Pour réduire drastiquement les risques énumérés ci-dessus autour de la gestion de ces métaux rares, critiques, ou stratégiques, à l’échelle de l’entreprise, il convient dès à présent de réfléchir aux moyens de mettre en œuvre une économie plus circulaire, qui permettrait de réduire significativement les risques associés à l’approvisionnement en métaux rares critiques ou stratégiques.
La rareté est un driver de la gestion des matières premières par les opérateurs télécoms
Les innovations technologiques développées pour accompagner la transition énergétique font de plus en plus appel à des métaux dits critiques ou stratégiques. Dans un contexte géopolitique et de relations internationales qui se tendent toujours plus, et avec un quasi-monopole mondial de la Chine sur l’extraction et le raffinage des métaux, la rareté et l’exploitation de ces matières premières deviennent de véritables enjeux stratégiques pour l’ensemble des entreprises et des Etats.
Pour établir sa stratégie de sécurisation des approvisionnements et anticiper de potentielles crises, l’Union Européenne partage tous les trois ans une matrice des matières premières critiques et stratégiques, selon deux axes : la probabilité d’aléas sur les approvisionnements de la substance et la vulnérabilité du système étudié face à ces mêmes aléas.
La criticité d’une ressource, et en particulier de métaux et de minerais, peut se mesurer par son caractère géologique (réserves de telle ou telle ressource), économique (valeur ajoutée, substituabilité), géographique ou géopolitique (production concentrée chez peu d’acteurs ou dans des zones instables), mais aussi environnemental et social (impacts de la production sur les populations et les écosystèmes).
Parmi ces métaux critiques*, on retrouve le lithium, les métaux de transition (tels que le nickel, le cobalt, le titane ou les platinoïdes), et les terres rares (néodyme, dysprosium, le terbium, indispensables pour des fabrications de haute technologie).
La notion de ressource correspond à la quantité ultime extraite et potentiellement extractible dans la croûte terrestre.
La notion de réserve est dynamique, elle concerne la quantité de métal exploitable à un coût technologiquement viable. Jusqu’à maintenant, les progrès technologiques ont permis de compenser le coût énergétique croissant d’exploitation de gisements de moins en moins concentrés et accessibles. Il existe en effet un seuil technologique à partir duquel le prix de l’exploitation et de la production dépasse sa rentabilité. Ce seuil est déjà dépassé pour le cuivre par exemple.
Le secteur des télécoms, fortement impacté par ces facteurs géologiques
Ces facteurs géologiques rendent ainsi certaines ressources particulièrement critiques pour les Etats et les entreprises, notamment dans le secteur des télécoms :
- Augmentation du coût d’extraction de gisements de moins en moins bonne qualité,
- Tensions politiques et guerres,
- Refus d’exploiter des gisements dans les fonds marins ou les zones fragiles, inertie des démarches d’ouverture de nouvelles mines (15 ans en moyenne),
- Pollution et impacts sociaux sur les travailleurs et les populations locales documentés et connus du grand public aujourd’hui, ce qui crée un risque réputationnel pour les entreprises utilisatrices, et bien d’autres raisons qui rendent l’exploitation de matières premières de plus en plus complexe aujourd’hui.
D’autant que l’extraction et le raffinage de ces métaux nécessitent beaucoup d’énergie, le plus souvent carbonée, qui contribuent à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, et qui se font dans des zones aux écosystèmes de plus en plus vulnérables, avec des impacts de plus en plus importants sur le climat, mais également sur la biodiversité et la consommation d’eau.
Enfin, dans ce contexte d’augmentation de la valeur de ces matières premières métalliques associée à leur raréfaction, le risque de vol ou de dégradations sur les infrastructures des opérateurs télécom est aujourd’hui grandissant et son coût également.
Les activités du numérique, en plus des émissions de gaz à effet de serre, ont un impact toujours plus significatif sur l’épuisement des ressources minérales (par exemple : l’extraction des matières premières brutes, la production d’appareils à forte composante électronique, l’augmentation constante de la demande de ressources avec notamment l’essor de l’IoT).
L’un des risques sera, d’ici 2050, une rupture partielle ou complète de certaines chaines d’approvisionnement de matières premières essentielles, fortement dépendante de la Chine et de Taïwan. *
Pour les opérateurs télécoms, il y aurait un impact certain :
- Sur la capacité d’assurer la maintenance de ses infrastructures réseaux et de ces centres de données,
- Sur la fourniture et la réparation de devices,
- Ainsi que sur le déploiement des réseaux fixes et mobiles.
Afin de garantir un approvisionnement sûr et durable pour l’avenir écologique et numérique de l’UE, la future réglementation européenne « European Critical Raw Material Act » propose la création de stocks stratégiques et une plus grande traçabilité de la chaîne d’approvisionnement. **
Pour réduire drastiquement les risques énumérés ci-dessus autour de la gestion de ces métaux rares, critiques, ou stratégiques, à l’échelle de l’entreprise, il convient dès à présent de réfléchir aux moyens de mettre en œuvre une économie plus circulaire, qui permettrait de réduire significativement les risques associés à l’approvisionnement en métaux rares critiques ou stratégiques.
* Métal critique : métal aux propriétés remarquables pouvant entrainer des impacts industriels ou économiques négatifs importants liés à un approvisionnement difficile, sujet à des aléas.
* Métal stratégique : métal indispensable à la politique économique d'un État, à sa défense, à sa politique énergétique ou à celle d'un acteur industriel spécifique (exemple : métaux pour la transition énergétique).
*Métal rare : Ce terme peut recouvrir des significations variables selon les contextes :
- D'un point de vue géologique, il s'agit d'un métal dont l'abondance moyenne et/ou la disponibilité (capacité à se concentrer en gisements) est faible dans la croûte terrestre (exemple : le cérium, la plus abondante des terres rares, constitue 0,006 % de la croute terrestre : rare ou pas ?) ;
- Dans certains usages journalistiques, le terme désigne un métal peu employé dans un secteur industriel grand public ou en très faibles quantités.
*sources = avec l’accélération de la transition écologique, la demande de matières premières essentielles devrait exploser de 500 % d’ici à 2050, selon la Banque mondiale. La Chine détient quasiment le monopole en ce qui concerne l’extraction de ces matériaux, mais elle a également une position dominante en matière de raffinage et de traitement.
** https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_23_1661
