Point de vue

Comment se transformer face aux enjeux de la décarbonation ?

mer. 01 mars 2023

Les défis liés à ces transformations vont conduire à la création de nouveaux métiers. Ils vont toucher chacun des collaborateurs de l’entreprise. L’enjeu est donc d’infuser la démarche de décarbonation au cœur de l’entreprise

Les opérateurs, comme toutes les entreprises, subissent une pression accrue non seulement des investisseurs mais des clients, des partenaires, des collaborateurs et des consommateurs sur leurs engagements durables. Si des solutions restent à inventer, beaucoup existent déjà. Les organisations n’ont plus le choix: elles doivent accélérer leur transformation organisationnelle, technologique et culturelle.

Pour intégrer l’impact environnemental à chaque étape de son activité, depuis les processus internes jusqu’à la commercialisation des produits et services, un opérateur dispose de plusieurs leviers.

Faire évoluer la gouvernance et les politiques de l’entreprise

Repenser la gouvernance, les politiques et les modes opératoires à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise permet d’ajouter la dimension environnementale aux activités quotidiennes.

Implémenter des indicateurs de performances environnementales. La première étape consiste à s’engager concrètement à mesurer précisément et régulièrement son bilan carbone sur les trois périmètres (scopes 1,2 et 3): la consommation d’énergie et toute la chaine des achats. Cette évolution requiert l’implémentation d’indicateurs de performances environnementales au même titre que les indicateurs financiers et à tous les niveaux de décision l’entreprise (achats, équipes juridiques, équipes techniques, équipes commerciales…) pour s’assurer que dans chacune des décisions prises, la composante environnementale est bien présente.

Orienter la politique d’achats externes et de consommation interne vers la sobriété. L’opérateur dispose de plusieurs solutions, encore peu adoptées: prioriser l’achat d’équipements ou de services reconditionnés plutôt que neufs et mettre en place un système d’économie circulaire; choisir des équipements faiblement consommateurs d’énergie ; prolonger la durée de vie des équipements et éviter leur renouvellement automatique; dimensionner les achats en fonction des besoins réels pour acheter moins et mieux.

Amener l’entreprise à consommer au plus près de ses besoins constitue un autre levier relativement facile à piloter. Abaisser, par exemple, la température du chauffage de quelques degrés, ou augmenter celle de la climatisation des bureaux sont des mesures simples à fort impact sur la décarbonation.

Inclure la volatilité du prix de l’énergie/coût carbone dans les nouveaux contrats. La guerre en Ukraine a changé la donne sur la zone en Europe. L’augmentation exponentielle du prix de l’énergie pèse considérablement sur la rentabilité des offres. Une offre rentable en 2023 peut ne plus l’être en 2025 ou 2030. Le challenge de la transformation sera d’inclure cette volatilité du prix de l’énergie/coût carbone à tous les niveaux d’une offre et d’un contrat, dans le cadre des réponses aux demandes de propositions techniques et commerciales et aux appels d’offres. Cela suppose de pouvoir mesurer finement à moyen et long terme l’impact du coût de l’énergie sur la continuité et la rentabilité de l’activité.

Promouvoir des offres sobres en carbone auprès des clients comme, par exemple des solutions de rationalisation de la donnée.

Repenser le mode de rémunération de ses activités business afin d’évoluer vers des modèles plus durables comme la mutualisation des équipements

Engager une transformation technologique

La transformation technologique est un autre chemin pour accélérer la décarbonation de son entreprise.

Utiliser des équipements plus efficients: des équipements moins consommateurs d’énergie, fabriqués avec des matériaux recyclés, reconditionnés, avec une durée de vie prolongée.

Mettre en veille des équipements lorsqu’ils ne sont pas utilisés.

Recourir au partage d’infrastructures passives et actives (RAN Sharing) pour éviter de dupliquer des infrastructures sur une même géographie. Adresser ce sujet de la mutualisation requiert un rapprochement et une collaboration étroite avec la concurrence. C’est tout un écosystème, et pas uniquement une ou deux entreprises, qui devra se transformer.

Opter pour des solutions d’énergie renouvelable, notamment sur une géographie comme la zone Afrique. Ces solutions pourront être déployées soit à grande échelle (fermes solaires, éoliennes, biomasse), soit à plus petite échelle (autoproduction, solutions Low tech 100% solaires) afin d’éviter d’utiliser de l’électricité carbonée ou du fuel dans les régions enclavées et reculées. En Guinée Bissau par exemple, moins de 10% du pays est connecté à de l’électricité. L’utilisation de groupes électrogènes alimentés au diesel est prépondérant. La question de la transformation des méthodes d’approvisionnement d’énergie pour s’orienter vers des énergies plus propres est un donc enjeu majeur.

Digitaliser les activités à fort impact carbone pour réduire son empreinte : utiliser le cloud, et notamment l’hyperscale (le data center de demain) au lieu de data centers classiques, réduit considérablement la consommation d’énergie, donc l’empreinte carbone.

S’appuyer sur des solutions Big data qui permettront de gérer simultanément et précisément toutes les activités de l’entreprise et de suivre, sur des échelles de temps courts (sur un mois ou sur un trimestre), tous ces indicateurs afin d’identifier très rapidement les dérives et de prendre les bonnes décisions.

Accompagner une nécessaire transformation culturelle

Toutes ces évolutions stratégiques, opérationnelles et technologiques modifient les comportements et les interactions des équipes. Il faudra donc:

Organiser une montée en compétences des équipes sur les sujets environnementaux au travers de la formation. Il s’agira d’une part de sensibiliser les équipes qui sont éloignées des enjeux de la réduction de l’empreinte carbone, cette question étant généralement adossée à la RSE; d’autre part de favoriser la récolte des données KPI.

Mettre en place d’une équipe dédiée à la décarbonation pour sensibiliser les équipes sur la durée, les animer et repenser constamment les modèles.

Créer des partenariats avec des spécialistes pour être accompagnés sur des sujets nouveaux qui demandent beaucoup d’expertise sur certains domaines. En Afrique, par exemple, des sociétés de services énergétiques appelées ESCO offrent aux opérateurs une gamme de solutions énergétiques dont le but est la réalisation d’économies. Moderniser les sites en maximisant l’utilisation d’énergie renouvelable et leur efficacité a un coût. Ce peut être un challenge en soi. Confier cette modernisation à des acteurs spécialisés prend tout son sens pour focaliser les CAPEX sur le cœur de métier de l’entreprise et opter pour des business models «as a service» avec les partenaires (Full OPEX).

 

Les défis liés à ces transformations vont conduire à la création de nouveaux métiers. Ils vont toucher chacun des collaborateurs de l’entreprise. Il est donc primordial que la transformation soit un projet d’entreprise et non pas un sujet adossé uniquement aux équipes RSE. L’enjeu est d’infuser la démarche de décarbonation au cœur de l’entreprise.

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Thomas Corre

Consultant énergie, environnement à Sofrecom