Point de vue

La transformation agile, une longue acculturation à facettes multiples

lun. 30 mai 2022

La prise en compte de l’humain constitue un facteur clé de succès de la transformation agile qui ne se décrète pas, ni ne s’improvise

Déployer des méthodes agiles à l’échelle ne rend pas une entreprise agile. La transformation agile repose sur l’intégration de valeurs nouvelles qui modifient profondément le rôle et les habitudes de travail des individus, des équipes, des managers, des décideurs. Sa réussite prend appui sur l’humain. Elle repose sur des approches diversifiées et un accompagnement soutenu adapté aux différentes populations.

Beaucoup d’entreprises pensent qu’il suffit de mettre du Scrum ou du Kanban dans un projet ou de parler de « sprints » et de « squads », pour être agiles. C’est une vision réductrice. Une transformation agile à l’échelle repose sur l’incarnation de valeurs nouvelles et l’intégration de comportements inhabituels à divers niveaux de l’entreprise. Bien distinguer les quatre formes d’agilité à développer permet d’adapter les modalités d’acculturation.

L’agilité stratégique 

Une transformation agile part du sommet de l’entreprise. L’engagement des décideurs constitue le prérequis n°1. Les membres du COMEX doivent prendre la mesure des changements induits par l’agilité, se convaincre du bien-fondé de la transformation et formaliser les ambitions de la démarche en s’interrogeant sur le WHY plutôt que sur le WHAT. Cette réflexion les conduit à définir une raison d’être qui précise les objectifs que l’entreprise cherche à atteindre collectivement pour servir sa stratégie et créer de la valeur. Elle sera l’occasion de repenser le business model, les chaines de valeur ainsi que les thématiques stratégiques de l’entreprise.

L’agilité organisationnelle

Le déploiement de l’agilité à l’échelle requiert la définition et la mise en place préalables d’une gouvernance adaptative avec des moyens : une organisation dynamique et auto-régulée, qui favorise une intelligence collective. L’agilité organisationnelle revient à définir des « cercles », des « communautés », des équipes pluridisciplinaires ou d’experts qui permettent de s’affranchir des silos organisationnels. Au sein des équipes, chacun a un rôle, une mission, des redevabilités bien définis pour servir dans ce cadre non pas son manager, mais la raison d’être de l’entreprise. La structuration de cette organisation représente un effort important et continu, à tous les niveaux, avec une initialisation et un suivi, facilités par l’accompagnement d’un coach agile.

L’agilité projets

C’est au niveau des projets de développement informatique qu’entrent en scène les diverses méthodes agiles : scrum, SAFe ou les trains agiles pour synchroniser plusieurs projets emboités au sein d’un vaste programme. Ces méthodes qui induisent des changements majeurs dans les habitudes de travail des collaborateurs, stimulent la coopération. Elles conduisent par exemple les équipes du développement et celles de l’exploitation à travailler ensemble sur de l’intégration, au sein de « squads » ce qui leur permet de mieux gérer les intérêts divergents de leurs deux métiers. Les squads fédèrent des équipes pluridisciplinaires de 10/12 participants où chacun représente son domaine d’activité et joue un rôle. Cette responsabilisation individuelle, si elle est bien gérée, contribue à la satisfaction personnelle des collaborateurs comme à l’engagement de l’équipe.

Des méthodes agiles sont également utilisées pour d’autres types de projet que les projets IT : design thinking, kanban, codéveloppement, Learning expedition, appreciative inquiry…etc. Elles favorisent une dynamique d’intelligence collective sur des thèmes de créativité, d’innovation et de collaboration et accélèrent la création de valeur.

L’agilité individuelle

Devenir un collaborateur agile nécessite un vrai travail d’introspection et d’intelligence de soi. L’être humain est naturellement résistant au changement. Chacun réagit en fonction de sa personnalité ou de son histoire. La perte de repères est bien plus importante pour un collaborateur travaillant en cycle en V depuis 20 ans que pour un jeune recruté de la génération Y.

Il revient alors au manager jouant un rôle de coach, de prendre soin et d’accompagner individuellement chaque salarié en respectant son rythme : l’aider, avec des méthodes comportementales, à analyser sa réaction au changement, mieux se connaître, gérer ses émotions et ses interactions avec les autres membres d’une équipe. Il s’agit d’amener chaque collaborateur à s’accompagner lui-même vers des solutions adaptées à sa propre personnalité, tout en la faisant évoluer vers des comportements et des communications qui favoriseront à la fois son épanouissement personnel et l’efficacité globale de l’équipe.

De nombreux autres leviers de succès

La prise en compte de l’humain constitue donc un facteur clé de succès de la transformation agile qui ne se décrète pas, ni ne s’improvise. La gestion du changement requiert beaucoup de formation et d’accompagnement par des professionnels de l’agilité sur plusieurs années, avec un ajustement continu des dispositifs en fonction de la maturité de l’entreprise. D’autres leviers jouent un rôle majeur :

  • Donner du sens, avec une vision : une indispensable phase de co-construction des principes communs de l’agilité et de ses modalités de déclinaison dans l’entreprise aidera les salariés en quête de sens à s’approprier la stratégie.
  • Avoir une approche inclusive et non clivante pour embarquer toute l’entreprise. Donner à chacun la chance de pouvoir participer à un projet agile, même en dehors du développement IT, en piochant dans les bonnes pratiques de l’agilité : méthodes d’intelligence collective, travail en cercle d’experts…
  • Accompagner très fortement les décideurs et les managers dont la posture change radicalement pour les aider et à insuffler une culture de l’agilité et de l’innovation, centrée sur le client et sur l’autonomie d’équipes pluridisciplinaires responsabilisées sur leur chaine de valeur.
  • Commencer par des projets faciles, les réussir et communiquer pour donner à tous l’envie d’y aller.
  • S’appuyer sur les promoteurs de l’innovation : trouver des points d’appui, des relais, des ambassadeurs pour décliner et propager cette agilité.
  • Recourir à des sponsors de projet agile.

Veiller à la bonne utilisation de méthodologies très rigoureuses en intégrant des talents agiles : bien appliquées les méthodes agiles apportent beaucoup d’efficacité et de satisfaction aux équipes. Mal utilisées, elles peuvent vite desservir un projet et dégrader le climat au sein de l’équipe.

Insuffler une culture du test and learn, du droit à l’expérimentation et à l’erreur à tous les niveaux - les chefs aussi ont le droit de se tromper ! - en instaurant des boucles de feedbacks plus courtes.

Favoriser le concept de « one roof » : déplacer, occasionnellement, des collaborateurs pour les faire travailler de manière plus efficace en équipe « sous un même toit », en veillant à ne pas les couper de leur entité d’origine.

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Davy Letailleur

Directeur Général Adjoint; Directeur IT & Network