Point de vue

Télécom, TIC et Energie

ven. 14 févr. 2020

Mené par la transition énergétique, le secteur énergétique traverse en même temps des transformations profondes. La digitalisation, avec l’essor de l’Internet des Objets (compteur intelligent par exemple) ou la gestion de micro réseaux, offrent aussi aux acteurs TIC des opportunités d’améliorer leur proposition de valeur dans le secteur de l’énergie au-delà de la simple revente.

David Erlich

Les compagnies Télécom et d’électricité ont beaucoup de choses en commun, y compris un historique d’anciens monopoles qui se sont ouverts à la concurrence. La transformation de ces deux secteurs menés par la transition énergétique et la dérégulation ouvre de nouveaux domaines de convergence.

Les compagnies Telco et d’électricité exploitent les réseaux

On peut comparer les similitudes entre la chaîne de valeur des TIC et celle de l’Energie. Dans chacune de ces industries, cela commence par la production de ressources connectées à un réseau à deux niveaux. Le premier niveau s’occupe du transit et s’interconnecte entre les fournisseurs. Le second niveau connecte les abonnés finaux.

Au début de la chaîne se trouve la production énergétique, essentiellement constituée par les centrales électriques. Elle peut être accompagnée de la production d’informations, située physiquement dans les centres de données. Un électron peut être substitué par un autre électron, ce qui n’est pas le cas de l’information. Cependant, avec le développement des technologies cloud, l’information dépend moins d’un emplacement physique et peut être distribuée n’importe où.

L’information est aussi produite par les utilisateurs finaux, mais une part significative sera hébergée dans un centre de données. Par exemple, la majorité de la bande internet (estimée à 85%) est utilisée pour télécharger ou visionner des vidéos, qui sont en fait stockées dans des centres de données, même si certaines sont produites par les utilisateurs finaux. D’après de nombreuses estimations (par exemple l’indice cloud CISCO), le volume de données utilisé par les consommateurs représente 25% des données stockées. Ce chiffre pourrait être comparé à la consommation électrique des pays développés (cf rapports de RTE en France, EIA aux E.U) où les secteurs résidentiels représentent 30%-35% de l’énergie électrique totale.

Même si les Telcos exploitent les centres de données pour leurs propres besoins, l’Information et les centres de données dépassent largement leurs limites à l’opposé des compagnies énergétiques traditionnelles qui possèdent leurs capacités de production.

Le second lien de chaîne de valeur est le réseau de transmission qui est utilisé pour que les deux systèmes se connectent à la source de production. Les réseaux de transmission électrique et l’épine dorsale des télécoms ont cependant des contraintes très différentes. Avec le déploiement de la fibre, les réseaux télécom longue distance sont devenus plus résistants à la modification des flux, et sont capables de gérer une forte croissance ou la multiplication de points d’interconnexion. D’un autre côté, les Opérateurs de Réseau sont toujours confrontés à la gestion de l’équilibre de leurs systèmes, quand par exemple des sources d’énergie moins prévisibles telles que le vent sont branchées sur le réseau.

De plus, parce que les réseaux de nombreux fournisseurs d’électricité sont interconnectés nationalement et internationalement, de nouvelles possibilités émergent pour négocier l’électricité. Dans la même mesure, des unités d’Information (Gbits, minutes) ont aussi été négociées pendant longtemps.

La fin de la chaîne de valeur est le réseau de distribution et l’activité de détail finale.

Dans les deux industries, posséder le dernier kilomètre est un atout majeur, et représente une part significative du coût du réseau, jusqu’à 80% dans les télécommunications.

Les réseaux de distribution dans l’industrie télécom ont été installés différemment que dans le secteur électrique. Les Télécoms ont les moyens de déployer plusieurs réseaux de distribution vers un unique utilisateur final. Sur les réseaux fixes, on peut trouver une télévision par câble coaxiale, une connexion fibre FTTH et le réseau téléphonique en cuivre qui arrivent en même temps dans un appartement. Dans les communications mobiles, les fréquences sont partagées entre trois acteurs en moyenne. Ce chevauchement est rare dans le secteur énergétique. Dans les deux activités, en fonction des régulations, il est possible de vendre des services de détail sans posséder d’actifs industriels tels qu’une ligne électrique, une Station de Base, un centre de données ou une centrale.

TIC/Telco produisant de l’énergie

La production d’énergie peut être simplement dictée par une pénurie énergétique des antennes de forte puissance dans des régions éloignées. Ces solutions hors réseau peuvent représenter autant qu’1 000 000 de tours et plus de 10% de la consommation électrique des Telcos.

Cependant, les compagnies Telcos ont conçu une série d’objectifs afin de réduire leurs émissions carbone et d’atteindre leurs objectifs de développement durable, parmi lesquelles produire une électricité plus verte. Dans certains cas il pourrait être plus facile pour un Telco de produire sa propre électricité. Cela nécessitera de construire des infrastructures d’énergie renouvelable telles que les Fermes Solaires. De telles initiatives contribuent à améliorer la réputation et la visibilité des Telcos en montrant leur engagement envers les réductions d’émissions, et peuvent aussi réaliser des économies importantes.

Les géants des TIC tels que Facebook, Google et Amazon investissent massivement dans les énergies renouvelables, soit directement soit à travers des contrats d’achat à long terme. Ces dernières années, les TIC ont été le plus gros secteur à investir dans les projets d’énergie verte. Ces infrastructures sont connectées au réseau électrique et jouent ensuite un rôle important dans le réseau national.

Les Telcos vendant de l’énergie

Les Telcos ont mené différentes initiatives pour revendre les services énergétiques. Cela comprend Comcast aux EU, Orange en Pologne, Drei en Autriche.  La logique derrière est de créer de nouvelles recettes tout en utilisant leurs atouts. 

Le premier atout repose sur les capacités de services, incluant la facturation, points de ventes et service client. Dans cette logique, l’énergie n’est qu’une autre brique vers la diversification de même que les  médias ou les services financiers.  L’investissement dans l’énergie au détail peut être limité, tant que la proposition de valeur reste simple: guichet unique ou simple réduction des coûts.

Le deuxième atout est la base client. Dans une stratégie de forfaits, l’énergie ne vient pas en service principal, mais en tant que complément aux télécoms. Le coût de l’acquisition d’énergie est compatible avec les faibles marges et les regroupements de services qui augmentent la valeur du temps de vie client.

Influencer la demande

Ce sont les différentes estimations du poids des TIC (télécoms et centre de données) dans la demande totale d’électricité allant de 2% jusqu’à des chiffres plus élevés, en  fonction de la modélisation des centres de données.

Cependant, ce chiffre peut cacher le contraste local. Un récent article de l’IEA a souligné le fait que les centres de données pourraient jouer un grand rôle dans l’équilibre d’un système électrique local. C’est spécialement légitime dans des pays avec à la fois des opérations de centres de données significatives et beaucoup d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, tels que l’Irlande. Parce que les centres de données ont une demande stable - en temps -  en électricité, ils peuvent absorber un pic de production de l’énergie intermittente éolienne.

Les opportunités Telco dans la chaine de valeur énergétique

Pour les Telcos, l’énergie peut représenter 20% de l’OPEX technique et beaucoup plus pour les compagnies TIC qui s’appuient sur des centres de données. Malgré une meilleure performance énergétique de l’équipement, la demande croissante de données s’accompagne d’une demande croissante en électricité.

Les acteurs des TIC recherchent plus à investir dans leurs sources d’énergie.  La raison n’est pas seulement dictée par les coûts mais aussi par la nécessité de contrôler les émissions carbone.

Mené par la transition énergétique, le secteur énergétique traverse en même temps des transformations profondes. L’énergie renouvelable, incluant le micro réseau, introduira la fragmentation et des opportunités pour de nouveaux entrants. La digitalisation, avec l’essor de l’Internet des Objets (compteur intelligent par exemple) ou la gestion de micro réseaux, offrent aussi aux acteurs TIC des opportunités d’améliorer leur proposition de valeur dans le secteur de l’énergie au-delà de la simple revente.

Pour les Telcos, la logique d’approfondir la question de l’Energie, est d’aller au-delà du groupage de détail et doit être considérée dans une perspective bien plus longue, car des opportunités apparaitront tout le long de la chaîne de valeur.

 

Sources sélectionnées

https://www.iea.org/commentaries/data-centres-and-energy-from-global-headlines-to-local-headaches

https://www.cisco.com/c/en/us/solutions/collateral/service-provider/global-cloud-index-gci/white-paper-c11-738085.html

https://www.sofrecom.com/publications/big-data-for-energy-savings