Point de vue

Opérateurs télécoms : quelles stratégies pour répondre aux enjeux du développement durable ?

ven. 10 déc. 2021

Aujourd’hui, il ne peut plus y avoir de performance économique sans performance environnementale et sociétale. Mettre le développement durable au cœur de la stratégie des opérateurs est une question de pérennité à long terme. C’est aussi une source d’innovation et de performance.

Quels sont les enjeux d’un développement durable pour les entreprises ?

Face aux enjeux du DD, on note une montée en puissance des attentes des parties prenantes à l’endroit des entreprises. Elle est massive, internationale et particulièrement prégnante sur la question du changement climatique. Il s’agit d’un phénomène global aux conséquences locales, qui appelle une réponse sous forme d’actions rapides et collectives. Si l’opinion publique attend des Etats qu’ils définissent un cadre réglementaire de lutte contre le réchauffement climatique, elle attend aussi des entreprises, la recherche et la mise en œuvre de solutions opérationnelles de long terme.

Désormais, la pérennité des entreprises dépend étroitement de leur capacité à répondre aux défis environnementaux et sociétaux sur lesquels on leur demande de rendre des comptes, au même titre que sur leur performance économique. Les investisseurs, les analystes industriels, les agences de notation nous demandent de démontrer la capacité de nos modèles d’entreprise à assurer une performance durable. Le règlement européen « Taxonomie », adopté en 2020, nous conduit à communiquer la part de nos activités et investissements considérés comme « durables » : l’orientation verte des flux financiers devient dès lors un élément structurant pour asseoir le développement et la pérennité des entreprises.

Dans ce contexte, à quel défi spécifique les opérateurs télécoms sont-ils confrontés ?

Le numérique sera un levier majeur de la transition écologique et du progrès sociétal. La GSMA qui représente l’ensemble des opérateurs mobiles de la planète, a calculé que la smart technologie (la connectivité mobile) pourrait contribuer à hauteur de 40% aux économies d’émissions carbone permettant d’atteindre la neutralité en 2050. Autre illustration : tout en pointant la réalité de la fracture numérique y compris dans les sociétés développées, la crise sanitaire a fait la démonstration éclatante du rôle vital du numérique sous toutes ses formes - télétravail, e-commerce, télémédecine, enseignement à distance… – pour assurer la durabilité de nos activités. Selon une étude post-Covid-19 du BCG1, le télétravail aurait permis de sauvegarder 250 000 emplois en France et d’éviter une chute du PIB français de 86 milliards de $.

Pour autant, une défiance montante contre les l’utilité du progrès scientifiques (antivax) et technologiques (4G, 5G, IA) soulève des débats d’opinion. Or, une technologie n’est pas bonne ou mauvaise par essence. Elle est ce que l’homme en fait. Le défi des opérateurs n’est pas uniquement de produire de la technologie, mais d’orienter l’innovation vers un numérique responsable et durable. Il nous revient de démontrer ce qu’énonçait Stéphane Richard en 2019 : « le numérique est une petite partie du problème, mais une grande partie de la solution ! ».

Quelles stratégies les opérateurs peuvent-ils développer pour concilier les trois volets du développement durable : croissance économique, protection de l’environnement et progrès sociétal ?

Le secteur des telcos a pris très tôt ses responsabilités vis-à-vis du développement durable. Il y a 2 ans déjà, la GSMA a décidé que le secteur devait atteindre la neutralité carbone dès 2040, 10 ans avant les engagements pris au niveau international ! Le secteur s’est également mobilisé sur le reporting extra-financier qui touche aux sujets du développement durable, à travers la TCFD (Task force on Climate related Financial Disclosures) pour le climat, le CDP (Carbon Disclosure Project) pour le carbone ou encore SBTi (Science Based Target Initiative) qui valide les trajectoires de décarbonation des entreprises.

Les opérateurs, à l’écoute de l’appétence de leurs marchés pour des produits peu carbonés, ont placé le développement durable au cœur même de leur stratégie : ils ont réinterrogé leurs business modèles afin de développer des solutions durables pour leurs clients, mais aussi réduire leur propre empreinte carbone. Avec le recul, cet engagement pour la planète se révèle être source d’innovation et de performance. Chez Orange, par exemple, le risque que nous avons pris il y a 2 ans, de souscrire des contrats d’achat d’énergie verte sur le long terme se transforme, dans le contexte actuel de montée des prix des énergies traditionnelles, en une opportunité d’économies substantielles ; de même nos réflexions pour revisiter l’efficacité énergétique de nos réseaux, bâtiments et véhicules.

Sur quels leviers opérationnels une stratégie de développement durable peut-elle s’appuyer ?

La durabilité doit prendre appui sur des principes d’action communs à toutes les entreprises :

  • L’éthique : le respect des droits humains, la mobilisation de notre chaine de valeur, l’écoute de nos parties prenantes.
  • Les fondamentaux d’une politique RH de performance globale : l’employabilité, le développement des compétences, le bien-être, la santé, la sécurité au travail, la diversité, l’égalité professionnelle, le dialogue social.

Les opérateurs ont la chance de disposer de deux leviers spécifiques, liés à leur cœur de métier, par ailleurs piliers de la stratégie RSE d’Orange  : ils ont à la fois le pouvoir d’optimiser leur empreinte environnementale et celle d’autres secteurs en s’appuyant sur les énergies renouvelables, l’économie circulaire et l’écoconception des produits et services et celui de réduire les inégalités en apportant la connectivité au plus grand nombre mais aussi en déployant des offres et des services inclusifs.

Quels sont les engagements d’Orange face aux défis sociétaux et environnementaux de la transition numérique ?

Notre raison d’être, inscrite dans nos statuts, nourrit notre plan stratégique Engage 2025 qui porte l’engagement sociétal et environnemental d’Orange.

Notre objectif d’égalité numérique s’appuie sur 4 axes :

  • Etendre la couverture de nos réseaux fixes et mobiles.
  • Proposer une offre sociale par pays en Europe (comme « « coup de pouce » en France ou « Tarifa social » en Espagne) et des produits et services accessibles à tous.
  • Commercialiser des terminaux multimédias à prix accessibles dans chaque pays, à l’instar du Sanza en Afrique et au Moyen-Orient.
  • Déployer des programmes d’accompagnement aux usages du numérique, grâce à nos Orange Digital Centers, à nos Fondations, et à nos ateliers numériques.

En matière d’environnement, notre engagement pour la planète est qu’« Orange soit neutre en carbone d’ici 2040 » avec, dès 2025, une réduction de 30% de ses émissions de CO2 par rapport à 2015. Cet engagement prend appui sur 3 leviers :

  • Améliorer l’efficacité énergétique de nos réseaux, bâtiments et transports.
  • Recourir à l’électricité d’origine renouvelable.
  • Déployer l’économie circulaire dans nos processus et nos métiers.

Par ailleurs, nous mettons en place des puits de carbone pour traiter nos émissions résiduelles et mobilisons nos compétences et nos installations afin de contribuer à divers programmes de préservation de la planète : CREA Mont-Blanc, Euro-Argo, Copernicus…

A nous de démontrer que le numérique, au-delà de son utilité sociétale, est bien une part essentielle de la solution à la transition écologique.

Extrait de notre livre blanc : Le numérique face aux défis du développement durable


1Etude internationale sur l’impact économique des solutions de travail à distance et de communications vidéo pendant la pandémie, réalisée pour Zoom, publiée 26 mars 2021

Matthieu Belloir

Directeur RSE du Groupe Orange