Point de vue

Mais pourquoi les OTT sont-elles si populaires?

ven. 09 nov. 2018

Malgré l’utilité, l’apparente gratuité et l’effet de mode, une faille de sécurité, une fuite des données personnelles ou une utilisation commerciale abusive de ces données peuvent avoir une conséquence immédiate pour ces OTT. Autant d’éléments face auxquels les opérateurs télécoms peuvent valoriser leur propre éthique, fiabilité et sécurité.

Madjid Babaci

Depuis 10 ans, les opérateurs télécoms ont vu apparaitre une nouvelle concurrence parfaitement déloyale : sans boutique ni facture et surtout sans aucun investissement contribuant à l’extension des réseaux Télécoms. Cette concurrence, ce sont les OTT (Over The Top), représentés par les géants américains et chinois, les GAFAM[1] et BATX[2].

Les OTT ont pourtant réussi à capter un nombre toujours croissant d’utilisateurs au détriment des opérateurs; les applications de messagerie représentent désormais 80% du trafic message et Skype s’accapare à lui seul 30% du trafic voix international.

Quelle est donc la recette de leur spectaculaire succès ?

Le coût d’utilisation

C’est l’un des premiers critères mis en avant, en effet les utilisateurs ont souvent l’impression de la gratuité totale. Ils ne payent pas pour le service, car ils payent déjà pour le transport de la donnée. En souscrivant à un bundle data ou à un abonnement spécifique, ils savent qu’ils seront libérés de toutes contraintes financières, ils pourront donc passer un grand nombre d’appels sur WhatsApp et échanger une multitude de vidéos, photos, posts et autres smiley sur Facebook messenger. En comparaison, l’appel reste facturé à la seconde ou minutes dans un grand nombre de pays et le SMS à l’unité.

L’experience utilisateur

L’expérience vécue par l’utilisateur est aussi un critère important d’utilisation. En effet, Facebook, WhatsApp, Viber ou  Skype, offrent une interface agréable, des fonctionnalités innovantes et une possibilité de jongler facilement entre appels, gif, images, vidéos, messages et documents. D’un autre côté, le SMS n’a que très peu évolué en près de 27 ans d’existence. Le nombre de caractère s’est allongé, les émoticônes ont été ajoutés mais globalement l’expérience reste inchangée. Concernant les services voix proposées par les telcos, l’évolution se ressent d’avantage sur la qualité de l’échange avec une généralisation de la voix HD mais là encore, cette amélioration peut ne pas être  perçue par l’utilisateur.

La sensation de liberté

C’est  devenu un critère primordial pour les utilisateurs. Dans un premier temps, il s’agit d’une liberté vis-à-vis de son opérateur. Dans un contexte multi-SIMs, je peux changer librement d’opérateurs. Je peux passer de l’un à l’autre sans perdre mes conversations et échanges, je n’ai pas la sensation d’être bloqué avec un opérateur. Cela n’est pas forcément applicable pour WhatsApp ou d’autres OTT voix qui lient le compte utilisateur à la SIM utilisateur, mais globalement les applications de messagerie « pure-player » (Twitter, Facebook, Skype ou Telegram) ne sont pas attachées à la carte SIM. Dans un second temps, cette notion de liberté est devenue de plus en plus prégnante ces dernières années avec l’apparition de messagerie sécurisée voire cryptée rendant complexe voire impossible l’accès à mes messages par toutes personnes ou entités n’étant pas parmi mes destinataires.

Les aspects culturels et générationnels

On retrouve chez tous les utilisateurs d’OTT les mêmes aspirations et comportements. J’utilise WhatsApp car mon réseau de collègues l’utilise; j’utilise Facebook car tous mes amis y sont; j’utilise Skype, WeChat et Viber car des fournisseurs, clients ou collègues les utilisent. Je ne souhaite être en dehors d’aucun réseau. En utilisant ces applications OTT, j’ai un peu la sensation d’être dans la tendance. Je fais partie intégrante d’un mouvement et je suis en connection très large avec des interlocuteurs partout dans le monde.

Une relation toutefois fragile entre les OTT et leurs utilisateurs

Ainsi, les OTT ont donc un ensemble d’avantages fonctionnels indéniables face aux opérateurs et à leurs services. On peut toutefois relativiser cette supériorité. Rappelons qu’un service OTT est matérialisé par une application téléchargeable en un clic et qu’on peut supprimer aussi rapidement. Quant à la relation opérateur, elle est matérialisée par une SIM, un contrat, un forfait ou prépaiement, et tout un ensemble de KYC[3]. Le lien qui unit l’utilisateur à l’opérateur est donc plus fort même dans un contexte multi-SIMs.

A contrario, on constate chaque jour la fragilité de la relation avec son OTT. Entre 2017 et 2018, près de 26%[4] des utilisateurs américains de Facebook ont supprimé leur compte suite aux scandales à répétition. La majeure partie des suppressions de compte s’est déroulée du 18 au 24 mars 2018, dès après l’annonce de l’utilisation de données Facebook par Cambridge Analytica. A cette même date, Google a aussi enregistré un pic de requête « comment supprimer mon compte Facebook ».

Donc malgré l’utilité, l’apparente gratuité et l’effet de mode, une faille de sécurité, une fuite des données personnelles ou une utilisation commerciale abusive de ces données peuvent avoir une conséquence immédiate pour ces OTT. Autant d’éléments face auxquels les opérateurs télécoms peuvent valoriser leur propre éthique, fiabilité et sécurité.

 

[1] GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft

[2] BATX: Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi

[3] KYC : Know Your Customer

[4] Source : business insider

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Madjid Babaci

Consultant Senior