Point de vue

L’innovation digitale : un état d’esprit servi par un écosystème agile

ven. 06 févr. 2015

Les opérateurs continuent à apporter à leurs clients de nouveaux produits et services issus de leur innovation interne ou de partenariats commerciaux et techniques.

"L'accélération des rythmes dans le numérique rend difficile l'anticipation des ruptures."

Qu’est-ce qui caractérise l’innovation aujourd’hui ?

G. N. L’innovation numérique est stimulée par la baisse du coût d’entrée sur le marché. Les nouveaux entrants bénéficient d’emblée de la puissance des datacenters développés initialement pour les besoins des géants de l’internet. L’innovation est aussi liée à une nouvelle génération d’entrepreneurs issus de ces mêmes géants et des meilleures universités américaines. Enfin il y a beaucoup de capitaux pour financer le numérique pouvant provenir de fonds d’investissements spéculatifs comme du financement participatif. La mise en place en 2015 de la loi Jumpstart Our Business Startups (JOBS) titre III va libérer l’investissement individuel des américains.

Comment anticiper les ruptures ?

G. N. L’accélération du rythme de l’innovation dans le numérique rend difficile l’anticipation des ruptures, qu’elles soient d’ordre technologique ou qu’elles concernent le jeu des acteurs. On ne les discerne que tardivement.
Les startups n’hésitent pas à changer rapidement leur modèle. Les grandes entreprises n’ont pas cette même agilité. Le danger vient des entrepreneurs qui créent de nouvelles catégories de services, à la lisière des business existants, les adjacentes. Ces « full stack startups » développent tout elles-mêmes, de A à Z et s’installent très vite sur le marché, avant même que leurs concurrents ne réalisent ce qui se passe ou que les instances de règlementation puissent se prononcer sur le sujet. Uber et Airbnb en sont de bons exemples. Les entreprises traditionnelles réagissent en investissant dans des startups, en créant ou en participant à des incubateurs, en s’inspirant des modèles agiles des startups de la Silicon Valley pour réorganiser leur dynamique interne d’innovation.

Peut-on stimuler un écosystème de start ups ?

G. N. C’est ce qu’Orange fait avec ses accélérateurs « Orange Fab » aux USA, en France, en Pologne, en Corée du Sud, en Côte d’Ivoire, au Japon, et désormais en Israël. Dans la Silicon Valley, nous en sommes à notre quatrième saison en deux ans et nous avons ouvert le modèle à de grandes entreprises comme VISA, Hilton, AXA, Leroy Merlin, FNAC, Moët Hennessy ou Safran-Morpho : c’est l’initiative « Fab Force ».
Les gouvernements encouragent aussi la création de startups : la French Tech par exemple dispose de relais dans des régions ou des villes, parmi lesquelles San Francisco.

Comment former les équipes ou recruter les bons profils ?

G. N. Dans le numérique, raccourcir les délais entre conception, développement et production devient un must. Les DSI ont intégré cette nouvelle donne et déploient des modèles d’innovation de type DevOps qui privilégient la collaboration itérative entre développeurs et équipes de production. Expérimenter de nouvelles solutions numériques est également devenu plus facile grâce aux services cloud (« as a service »).
Détecter rapidement des talents spécifiques peut passer notamment par l’acquisition de sociétés. La formation des développeurs informatiques aux nouvelles techniques issues du web est aussi en cours dans beaucoup d’entreprises. C’est essentiel. Toutes les entreprises deviennent des plateformes d’échanges de données et de transactions numériques en mode cloud avec des APIs dans tous les sens. C’est inéluctable.

Quel peut-être le positionnement des Telcos face aux OTT ?

G. N. Les Telcos ont créé les fondations de l’internet fixe et mobile. Ils ont permis aux OTT de se lancer et de créer des services inédits adoptés massivement. Les OTT ont l’avantage de disposer d’une couverture mondiale instantanée et de ne pas être soumis à des règlementations spécifiques, contrairement aux opérateurs de réseaux, aux banques et aux assurances. Ils viennent du monde du logiciel et n’ont pas de contraintes de compatibilité avec l’existant. Ils ont également une culture de type startup, agile et sans préjugés, avec à leur disposition de multiples sources de financement. Leurs innovations peuvent être dévastatrices pour des business établis, comme on a pu le voir avec la voix sur IP pour le téléphone, et avec WhatsApp pour les revenus SMS. Les opérateurs vont continuer à développer en priorité leurs infrastructures pour offrir les réseaux les plus puissants possibles. Ils peuvent aussi développer de nouveaux services OTT en faisant dès le départ le pari d’une couverture mondiale ou bien en faisant l’acquisition d’opérateurs de services dans le cloud.

Comment un telco peut-il innover ?

G. N. Les opérateurs continuent à apporter à leurs clients de nouveaux produits et services issus de leur innovation interne ou de partenariats commerciaux et techniques. Ils doivent investir dans des projets en rupture, voire sans synergie identifiée identifiée avec l’existant : c’est peut-être là que se trouvent les réussites de demain, dans les adjacences de leur core business. « Les bonnes idées ont souvent l’allure de mauvaises idées au début » dixit Ben Horowitz de la société de capital-risque à succès a16z (1) dans la Silicon Valley.


(1) Andreessen Horowitz, également connu sous le numéronyme a16z, est un fonds américain de capital risque fondé en 2009 par Marc Andreessen et Ben Horowitz. Son siège est situé à Menlo Park, en Californie.