Point de vue

Les services financiers sont-ils devenus un élément incontournable des offres des opérateurs télécom ?

mer. 30 mai 2018

Des évolutions technologies et règlementaires qui ont aussi fortement contribué à l’émergence des services financiers sur mobile

D’abord au niveau règlementaire. La fameuse DSP2 (Directive des Services de Paiement) a permis de favoriser la concurrence  en instaurant de nouveaux statuts. De nouveaux acteurs ont émergé, souvent nommés désormais « Fintechs ». Mais d’autres secteurs (GAFA, Grande Distribution, Fintech…) ont aussi profité de cette évolution règlementaire pour élargir leur offre aux services financiers.

Le développement de l’usage du smartphone a permis par ailleurs l’explosion du Mobile Banking. Les opérateurs ont là encore une légitimité. En fournissant les data et les contenus associés, ils peuvent monter dans la chaîne de valeur. Toutes les nouvelles solutions de paiement et de wallet permettant de dématérialiser une carte bancaire se font sur un smartphone. Les opérateurs ont développé leur propre solution de paiement mobile soit en utilisant les possibilités de la technologie NFC (Orange Cash) ou en proposant un parcours client intégrant l’utilisation d’un QR code (Meo Wallet).

Diverses stratégies pour proposer des offres bancaires

A ce niveau plusieurs opérateurs ont déjà adopté des stratégies différentes.

Construire une offre de services financiers mobiles peut se faire par un rachat d’un acteur bancaire existant. Orange a pris le contrôle de Groupama Banque en France, l’opérateur japonais NTT Docomo a racheté la banque allemande Bank verein Werther.

Des partenariats entre acteurs télécom et banques ont également permis l’émergence d’offres de services financiers. C’est le cas de l’opérateur O2 qui a créé O2 Banking en partenariat avec la néobanque Fidor. Mais aussi d’Orange Finanze qui distribue une offre de la banque mobile polonaise mBank.

Plus récemment l’opérateur espagnol Movistar a lancé une offre de crédit à la consommation pour ses clients, qui peuvent souscrire en ligne des prêts jusqu’à 3000 euros via un parcours client simplifié et full mobile. L’organisme prêteur est une coentreprise avec la CaixaBank.

Ces stratégies révèlent une volonté de la part des opérateurs de proposer des axes différenciant, de fidéliser leurs clients, mais aussi de développement de nouvelles sources de revenus et de créer de valeur client, là où sur les offres telco historiques, l’ARPU tend à diminuer.

Une nécessité de proposer des services financiers au vue de l’enjeu de la connaissance client

Le paiement constitue une source d’informations non négligeables sur le comportement des clients. Collecter et savoir exploiter des données de paiement représentent une valeur conséquente pour un acteur économique. Les GAFA en ont fait leur marque de fabrique. Les données de paiement permettent de mener des analyses comportementales des clients. L’historique des transactions et des tentatives de transaction, le panier moyen par canal de vente, les achats effectués par période… tous ces éléments sont précieux car ils vont aider à déclencher des actions marketing plus pertinentes. Données de paiement et CRM ont donc tout intérêt à être liés.

D’autre part, quand l’ensemble des transactions et des flux financiers associés sont gérés par un même acteur, le rapprochement comptable est facilité. On peut dès lors obtenir en temps réel une vue précise sur le coût des commissions, les remboursements et les impayés.

Si un Google souhaite enrichir les données liées aux usages de ses clients afin de maximiser et d’optimiser ses revenus publicitaires, pour un constructeur de mobile comme Apple, il s’agit avant tout de proposer un service supplémentaire à ses clients. L’expérience client prime avant tout et pèse sur les avantages perçus par les clients. Le service proposé doit être simple et pouvoir être effectué en quelques clics.  Pour certains acteurs comme Amazon, il est prévu que l’acte de paiement devienne même transparent. L’expérimentation encours des boutiques Amazon Go en témoigne. Dans un futur pas si lointain, le client n’aura plus à passer à la caisse, ni à valider le paiement de ses achats.

Une proposition de valeur à calibrer mais à quel prix ?

Dans ces conditions, il apparaît indispensable pour les opérateurs de se positionner sur ces services, voire de viser une place en amont de la chaîne de valeur. En Europe la règlementation a ouvert la porte des services financiers à des acteurs issus de tous les secteurs (grande distribution, fintech, e-commerce…). Les mouvements et rapprochements d’acteurs se sont accélérés ces dernières années.

Proposer un service de banque au quotidien avec un compte bancaire et une carte pilotable par une application mobile est devenu un standard sur le marché en Europe. Mais cela s’accompagne d’un positionnement prix bas, voire gratuit. Il faut alors trouver les sources de revenus complémentaires et le bon modèle économique pour assurer une rentabilité du service.

Cela peut prendre tout son sens si cette offre complète une gamme de services télécom existants ; et représenter alors un véritable levier de fidélisation clients. Les services financiers peuvent être un moyen d’enrichir ces offres existantes et de continuer à légitimer les tarifications des offres convergentes.

Les opérateurs ont vu leur offre convergente se construire d’abord autour du rapprochement du fixe et du mobile, puis l’ajout de contenu et d’offres TV. Avec l’avènement des services financiers sur mobile, un des futurs possibles est la proposition d’un produit Telco-Finance regroupant une offre de services « Cinquetuple play ».

Actualité – juillet 2017

La récente annonce du groupe Altice de lancer une nouvelle offre bancaire en Europe confirme l’ancrage incontournable des services financiers dans les stratégies des opérateurs telco et annonce une nouvelle compétition des acteurs du secteur sur ce terrain de jeu.

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Vincent Weber

Sofrecom