Point de vue

Le télétravail nuit-il à l’innovation ?

mar. 13 oct. 2020

Télétravail massif, une plongée en apnée

Le confinement lancé, nous avons débuté le télétravail comme nous aurions plongé en apnée. Nous avons sauté la tête la première dans l’inconnu et contre toute attente, nous avons découvert que nous tenions la distance.

La majorité de nos projets ont avancé et les équipes se sont adaptées. Nous avons même appris que nous pouvions nous surpasser et devenir plus performants que lorsque nous nous rendions au bureau. Qui l’eut cru ?

Bilan, aujourd’hui 84%[1] d’entre nous souhaitent poursuivre le télétravail même après la crise CoVid19. Choix qui peut être encouragé par les employeurs puisque le télétravail augmenterait la productivité de 13%[2].

Nous avons supprimé tout ce que le travail a d’informel

Face à la gravité de la situation sanitaire et économique, nous avons relevé le défi. Pour beaucoup, nous avons travaillé autant voire même plus qu’avant. Nous avons pris notre tâche très au sérieux, trop peut-être car cela ne s’est pas fait sans dommage. Le revers de la médaille de nos performances est une dégradation de la santé psychologique de certains (+31%) [SPA1] avec une augmentation du stress et de la charge mentale. Le travail a pris un aspect plus strict et rigide avec la disparition des moments d’échanges et de convivialités spontanées.

Parmi les diverses causes qui participent à ce stress lié au télétravail, en période de confinement, zoomons sur un contre-balancier que nous avions pour habitude d’utiliser : nos moments informels avec nos collègues. Oui nos collègues nous manquent et soyons clairs, on ne parle pas des réunions à rallonge mais bien des pauses cafés, déjeuner, échanges dans le couloir, etc.

Ne faisons pas le raccourci d’expliquer la dégradation de la santé psychologique de certains d’entre nous par l’absence de pause-café mais creusons cet aspect-ci. Comprenons comment ces discussions aux airs futiles font partie intégrante de l’activité de chacun. En effet elles sont bien plus que des soupapes de décompression et il est important de les conserver même à distance.

La sérendipité : crête entre formel et informel au travail

Regardons dans le rétroviseur : quelles sont les meilleures idées que vous ayez eues au travail les 12 derniers mois ? Comment l’idée est-elle née ? Vous l’avez ? Parions que ce soit durant une discussion informelle. Certainement dans la salle de pause ou durant un pot de départ. Comment le savons-nous ? Est-ce le pouvoir d’innovation de la caféine ou des petits fours ? Non, c’est la sérendipité.

La sérendipité pourrait être communément être appelé « heureux hasard ». C’est le fait de faire une découverte inattendue durant un processus de recherche. Beaucoup de grandes (et petites) découvertes ont été faites par hasard, ainsi le Viagra est né de recherches sur la tension artérielle, le post it de recherches sur la colle et le Velcro de fruits de bardane accrochés à des poils de chien.

Quel lien entre votre innovation et le viagra ? Le cerveau a besoin de légèreté, de divaguer pour innover. c’est compliqué à faire seul dans un bureau d’appoint installé dans un coin du salon. Nous avons besoin de sortir, de casser le rythme, de créer un climat favorable à l’imprévu. Ce dont nous manquons le plus : les rencontres et discussions fortuites. C’est cette crête entre le formel et l’informel qui est LE lieu de naissance de la sérendipité. Nous sommes plus performants lorsque nous télé-travaillons car nous n’avons plus de pause pour simplement sociabiliser. 

Nous sommes plus performants lorsque nous télé-travaillons car nous n’avons plus de pause pour simplement sociabiliser. Nous avons nettoyé nos journée des pauses café et autres discussions de couloir et notre journée de travail n’est plus qu’un enchaînement de tâches de production, ce qui nous rend plus performants et efficaces à court terme. Cependant être « le nez dans le guidon » nous rendra certainement moins innovants à long terme.

La sérendipité bien plus qu’un levier d’innovation

Lorsqu’un manager envoie le message suivant « accordez de l’importance aux échanges informels entre vous » associé à « je suis ouvert à vos idées pour faire évoluer de l’équipe » ; il met en place un terreau favorable à la sérendipité. Les équipes entendent qu’ils sont plus que de simples exécutants jugés au travers de leur performance. leur ravail prend d’avantage de sens en les rendant acteurs et non spectateurs de leur propre développement. Il répond ainsi au besoin d’autonomie tout en assurant l’ancrage du sentiment d’appartenance.

Comment maintenir la sérendipité avec la généralisation du télétravail ?

Un mot d’ordre, ne plus faire main basse sur les moments de convivialité. S’assurer que la venue au bureau est accompagnée par de la socialisation. Par exemple en repensant les espaces de travail et de repos, en adaptant les tâches et la charge de travail en fonction du lieu de travail (moins de production au bureau et plus d’échanges), en créant d’avantage d’événement par le biais de la communication interne, etc.  Nos apéros Skype avec nos proches en période de confinement ont démontré qu’il était possible de nouer du lien à distance. Chez Sofrecom, certaines équipes ont créé des pauses de 15 min durant lesquelles plusieurs membres d’affrontaient à un Uno en ligne. Pour d’autres idées créatives, le plus sûr est de s’en remettre aux  équipes et leur capacité créative, il y a peu de  risque d’être déçus.


[1] Etude Malakoff Humanis https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-decrypte-limpact-de-la-crise-sur-lorganisation-du-travail-et-la-sante-des-salaries-a-travers-les-resultats-de-ses-etudes-teletravail1-et-absenteisme2-realisees-en-mai-2020-40ce-63a59.html

[2] Etude Stanford University https://nbloom.people.stanford.edu/sites/g/files/sbiybj4746/f/wfh.pdf

 

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Morgane Leblanc

Consultante Senior en Change Management