Point de vue

Le marketing de la 5G se cherche encore

ven. 27 sept. 2019

Plusieurs opérateurs ont désormais lancé leurs premiers forfaits 5G. Partout dans le monde les expérimentations se multiplient, y compris en Europe. Pourtant les opérateurs tardent à préciser leur stratégie de commercialisation et de monétisation de leurs offres. Confrontés au manque d’intérêt des clients particuliers et face à l’impatience des start-ups et des entreprises, ils choisissent l’attentisme.

Des stratégies marketing diversifiées sur le B2C, sans promesse d’effet waouh

Tout récemment, AT&T a envoyé un signal fort : alors que le leader mondial du marché des télécoms communique tous azimuts sur l’accélération du déploiement de son réseau 5G, son directeur de la stratégie a laissé entendre que la stratégie de monétisation de la 5G était encore en réflexion !

Les stratégies marketing 5G peinent toujours à s’affirmer. Lorsqu’elles se dessinent, elles adressent uniquement le segment B2C, avec des approches diversifiées :

  • Verizon (USA) ne monétisera que la nouveauté : il commercialisera 10 $ plus chers des forfaits 5G équivalents à ses forfaits 4G.
  • Sprint T-Mobile (USA) n’augmentera pas ses prix. Son discours marketing valorise une offre de services additionnels : streaming vidéo 4K, réalité virtuelle. A l’instar d’EE (UK) qui annonce un forfait gamers dont les applis intégrées amélioreront significativement l’expérience du jeu en ligne. L’opérateur le plus engagé sur le terrain des nouveaux usages est le sud-coréen LG U Plus : ses premiers forfaits incluent de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée et du jeu.
  • Vodafone (UK) se distingue en se positionnant sur la vitesse. Rompant avec sa stratégie 4G qui monétisait un volume de données mobiles (Go), il proposera des forfaits 5G en illimité dont les prix seront modulés par le débit.

Trop tôt pour chercher à enchanter des utilisateurs satisfaits des usages 4G

De fait, la technologie 5G multipliera par 10 le débit actuel, offrira un temps de latence 10 fois plus faible et une densité de connexion inédite (1 million d’objets connectés/km2). Elle garantira une connectivité ultra rapide, réactive et fiable avec un très grand confort d’utilisation en mobilité.


Pourquoi alors les opérateurs doutent-ils de la valeur d’innovation de la 5G ? Pourquoi la monétisent-ils comme une « 4G Premium » ? Plusieurs explications :

  • Technologie complexe, la 5G représente un nouveau cycle d’investissements lourds. Elle sera déployée par paliers successifs.
  • La base clientèle est restreinte : le futur abonné devra habiter une zone couverte et acquérir un smartphone 5G dont l’offre pour l’instant est rare et le prix prohibitif (1 000 à 1 200$). Pour mémoire, Apple a différé d’1 an le lancement de son iPhone 4G et fera potentiellement la même chose sur la 5G.
  • Les clients B2C, plutôt satisfaits de leurs expériences 4G, ne montrent pas d’appétence pour les quelques nouveaux usages 5G promis à court terme. Une étude de la GSMA le révèle : 24% des personnes interrogées ignorent ce que la 5G apportera ; 22% espèrent qu’elle fera baisser le prix des services.

Vitesse et couverture, deux arguments à valoriser sur le B2C

La même étude donne des orientations intéressantes sur les arguments qui pourraient aider les opérateurs à définir le modèle économique de la 5G.


La vitesse constitue bien l’attente n°1 de 50% des utilisateurs, tandis que la couverture réseau s’avère déterminante pour 40% des usagers. Même si la 5G n’a pas vocation à améliorer le réseau existant, les opérateurs ont tout intérêt à valoriser cette vertu. La 5G constituera une alternative intéressante au réseau fixe dans les zones difficiles à fibrer, comme dans les pays où la fibre ou même la 4G tardent à arriver. Avec des débits de 300 Mbit/s, inférieurs mais comparables à la fibre, elle donnera aux telcos l’opportunité de capter de nouveaux clients mobiles à défaut de révolutionner leurs usages.

Les relais de croissance significatifs viendront du segment B2B

C’est sur le marché des entreprises que la 5G promet une révolution créatrice de valeur pour les opérateurs : chirurgie à distance, Smart-Cities et IoT, transport (véhicules connectés, autonomes, drônes), sécurité, automatisation industrielle…

Déjà, les startups font miroiter un nouveau champ des possibles s’appuyant sur le Cloud, l’IA, l’IoT.

Les industriels sont impatients de profiter de ces services disruptifs et d’accélérer la numérisation de leur entreprise. Face à eux, les opérateurs tardent à communiquer sur des offres B2B.

Leur attentisme s’explique : les fonctionnalités avancées du réseau 5G ne seront pas opérationnelles avant 2021-2023. Les opérateurs doivent valider la performance d’une technologie naissante avant de créer leurs offres pour s’assurer de la valeur des cas d’usage mis en œuvre, et aussi co-construire ces offres avec l’écosystème afin de se garantir des parts de marché.

 

Si la 5G ne promet pas nécessairement de rentabilité sur le B2C, les opérateurs doivent être présents et visibles sur ce vaste marché pour rester dans la course. Certains saisiront l’opportunité de la 5G pour rattraper leur retard sur le déploiement de la fibre ou la 4G, en attendant de pouvoir adresser les vrais relais de croissance offerts par le marché B2B

A ce jour, les arguments marketing sont encore en phase de test et personne ne peut prédire quels arguments –  quantité de données, vitesse ou services – convaincront des acheteurs qu’il faudra avant tout éduquer sur les bénéfices de la 5G.


 

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Clément Roulleau

Consultant Market Intelligence