A un an du Jour J du lancement de sa nouvelle filiale, dont l’échéance constituait un défi, l’équipe de direction a remis en question sa méthode de travail pour miser sur une transformation en mode agile. L’enjeu ? Mobiliser, motiver et embarquer autour d’une vision partagée, l’ensemble des collaborateurs concernés par un projet complexe.
En amont de l'étape de création de la filiale, la période de due diligence a permis de s’assurer de la viabilité du projet et de valoriser l‘activité. Durant cette étape précontractuelle, régie par un accord de confidentialité strict, seuls quelques dirigeants ont pu être impliqués dans le projet de création. Ils se sont également attachés à définir les périmètres de responsabilité et les règles d’interactions entre la maison mère et sa future filiale.
D’abord une organisation de gestion de projet (PMO) classique
Lorsque le projet a été officialisé, 10 chantiers de travail impliquant une cinquantaine de participants ont été lancés : SI, RH, logistique et déménagements, gouvernance et organisation, data management, finances... Ces chantiers très spécifiques, menés en parallèle, fonctionnaient en silos avec peu de partages et de coordination transverses.
Le risque de ne pas arriver à l’heure
A un an du jour J, les membres du comité de Direction (CODIR) ont partagé un constat lucide :
- Le projet s’avérait très complexe avec des interdépendances croissantes entre les chantiers.
- Il nécessitait une véritable réflexion sur la méthodologie de travail.
- Il se surajoutait à l’activité courante des participants alors que ses développements s’intensifiaient sur tous les fronts.
- Il impliquait peu de monde à un moment où la mobilisation de l’ensemble des collaborateurs devenait indispensable. En manque d’informations sur la façon dont le projet les impacterait, il fallait susciter leur désir de rejoindre la nouvelle filiale et les engager dans la transformation en trouvant le moyen de construire ensemble.
Le Comité de direction (CODIR) a pris la courageuse décision et exemplaire de mener cette transformation en mode agile et avec l'appui d'un coach agile.
Clarifier la vision et l’ambition du projet
Dès lors, la priorité fut d’aider le CODIR à se réapproprier son rôle stratégique. Il s'agissait de prendre le temps de définir le « quoi » et le « pour quoi » du projet. Il devait clarifier les propositions de valeur de la future filiale vis-à-vis de son écosystème et de ses parties prenantes.
Pour embarquer les collaborateurs dans la transformation, le comité de direction a donc formalisé, avec une feuille de route claire et une proposition de valeur inspirante, la « vision » permettant à chacun de comprendre et de s’approprier la raison d’être et l’ambition du projet.
Faire évoluer la gouvernance du projet
Le second levier fut la mise en place d’une équipe resserrée de gouvernance du projet, chargée de piloter la transformation. Très opérationnelle, elle avait vocation à coordonner le projet, mettre en place les leviers nécessaires (y compris des outils), lever les obstacles au fur-et-à mesure de leur apparition, veiller aux échanges entre les chantiers, communiquer en continu pour expliquer ce qui se faisait et donner du sens.
Créer une dynamique collaborative en s’appuyant sur SCRUM
Parallèlement, un groupe de travail pilote a commencé à expérimenter la méthode agile SCRUM avec le support d’un Coach Agile. En voici les principes :
- Le groupe travaille sur des périodes courtes (Itérations) de 2 semaines. Son objectif : livrer de la valeur à chaque fin d’Itération en s’appuyant sur des rituels (Planning, Synchronisation, Revue, Rétrospective…) qui maintiennent la cadence et assurent la coordination et la communication.
- Au sein du groupe, le Product-Owner définit les livrables attendus pour répondre à la vision de l’équipe de direction sur la période. L’équipe décide comment y parvenir, s’organise et planifie le travail en fonction de la disponibilité de chacun. Elle fait de courts points de synchronisation (15 mn) réguliers pour s’assurer que chacun avance dans le bon sens.
- A chaque fin d’Itération, une Revue de ce qui a été produit est partagée en toute transparence.
- Un temps rétrospectif permet à l’équipe de clarifier la façon dont elle fonctionne et de réfléchir ensemble à la manière d’améliorer en continu son fonctionnement interne.
Les résultats obtenus au bout d’un mois furent probants, tant en termes d’avancées opérationnelles du chantier, que d’énergie des équipes à collaborer et d’engagement à construire. La méthode a donc été généralisée à l’ensemble des chantiers. Des rituels similaires ont été mis en place au niveau de l'entreprise, sur une périodicité de 2 mois pour assurer la coordination entre les chantiers et l'alignement avec la vision de la direction. Ainsi, la nouvelle filiale a-t-elle pu être lancée à l’heure.
Déployer de nouveaux outils et de nouvelles compétences
De nouveaux outils de travail ont été déployés : outils de management visuel comme Jira et Confluence ; outils de knowledge management. Ils ont permis à l’organisation d’apprécier les bénéfices de la méthode agile en matière de partage de l’information, de collaboration et de transparence. En outre, dans le contexte de télétravail du 2nd confinement où il fallait prendre soin de chacun, Miro, un tableau blanc virtuel collaboratif, s’est avéré très utile pour favoriser l’écouter, stimuler la participation et faire converger les points de vue. Par ailleurs, des coaches agiles ont accompagné le CODIR et les groupes de travail.
Accepter l’inconfort
Loin des codes de la culture « ingénieur » qui apprend à analyser et concevoir avant de réaliser, la dynamique agile invite à accepter le fait qu’on ne peut pas tout savoir, ni tout contrôler a priori. Elle implique de faire confiance à la capacité des individus et du collectif à inventer des réponses adaptées aux contraintes que l’on découvre en avançant. Dans une démarche agile, survient souvent une période difficile où les équipes, y compris le CODIR, se sentent déstabilisées et doutent. Pour négocier ce passage critique, il convient d’accepter ce temps d’inconfort qui demande à chacun de faire le vide avant de réinventer.
Le travail en mode agile mobilise les fondamentaux de la collaboration humaine. Il réapprend aux individus à collaborer et interagir. Il est particulièrement adapté à la gestion d’un projet de création d’entreprise qui est, par essence, complexe et chargé d’inconnues :
- Il redonne au CODIR son rôle de vision et de décision stratégiques, lui évitant de s’engluer dans le pilotage opérationnel du projet.
- Il responsabilise les équipes et les motive. Au lieu de subir la transformation sans la comprendre, elles s’approprient le projet et participent à sa construction.
- Il délivre la solution de façon incrémentale, permettant de la tester de façon itérative et de s’adapter constamment tout en gardant le cap.
- Il favorise la coordination entre les chantiers, donc un pilotage du projet permettant de prioriser en tenant compte des interdépendances et des risques.