Point de vue

La transformation numérique en marche

mar. 16 févr. 2016

« Notre secteur n’est pas directement confronté à une vague d’ubérisation, mais nous suivons de près les initiatives présentant un risque de désintermédiation. »

Quelles sont les évolutions marquantes de l’environnement concurrentiel des opérateurs ? 

B. J. Sur les marchés nationaux de la plaque européenne, la généralisation de la convergence fixe-mobile guide les rapprochements entre acteurs. On observe aussi un phénomène de concentration sur le mobile. Ce nouveau contexte est plus favorable à l’investissement. 

Nous restons cependant attentifs à la montée en puissance récente des câblo-opérateurs qui possèdent une infrastructure fixe très haut débit, distribuent du contenu et cherchent à devenir des FAI incontournables. 

En Afrique, la compétition s’intensifie avec un décalage par rapport à l’Europe. La pénétration des smartphones – 30 % prévue d’ici 4 ans – et le déploiement de réseaux mobiles 3G/4G encouragent le foisonnement des OTT. Leurs solutions de communication challengent les revenus voix et SMS des opérateurs aux offres majoritairement prépayées. 

Les initiatives réseaux des GAFA, ballons stratosphériques Google, drones Facebook et satellites SpaceX, font-elles courir un risque d’ubérisation aux télécoms ? 

B. J. L’ubérisation c’est l’utilisation d’actifs clients – des voitures et des chauffeurs pour Uber, des appartements pour Airbnb – comme une ressource pour l’entreprise qui les exploite. Les initiatives des géants du web n’entrent pas dans ce schéma. Elles s’inscrivent au coeur de leur stratégie d’accroissement d’audience. Ces technologies expérimentales ont vocation à connecter à l’internet les personnes vivant dans des zones blanches en Inde, en Afrique, en Indonésie... Elles pourraient constituer une solution alternative de déploiement de réseau dans les régions coûteuses à couvrir, à condition d’être économiquement viables. Encore peu stables, elles ne peuvent pas fonctionner sans les bandes spectrales des opérateurs. Elles sont donc l’occasion d’un partage de valeur au travers de démarches de coopétition. Orange échange régulièrement avec Google et Facebook sur leurs projets.
En revanche, nous observons de près les initiatives e-SIM d’Apple ou de Samsung qui pourraient conduire à la désintermédiation de l’opérateur. Cette carte SIM nouvelle génération sera soudée dans le terminal qu’elle équipe, donc inamovible. Elle permettrait au client de basculer d’un opérateur à l’autre, au gré des offres, sans jamais entrer en contact avec l’opérateur. 

Comment ces évolutions bouleversent-elles le modèle économique des opérateurs ?

B. J. Je ne parlerais pas de bouleversement même si notre environnement est en mouvement perpétuel. Face aux câblo-opérateurs, l’objectif est de nous garantir un accès pérenne aux contenus afin de valoriser nos réseaux très haut débit et de poursuivre notre stratégie de convergence. Pour contrer l’offensive des OTT en AMEA, le challenge consiste à basculer vers une tarification à l’accès avec des offres abondantes, comme en Europe, puis de tarifer la data pour générer de nouveaux revenus. L’e-SIM préinstallée dans les terminaux nous contraint à accélérer nos projets de convergence et de « shared data plans » sur le mobile pour offrir aux clients des solutions globales. Elle sera standardisée par la GSMA afin que les opérateurs puissent garder le contrôle des profils téléchargés sur cette carte.

Comment Orange s’adapte-t-il à ce contexte ? 

B. J. L’open innovation et le fonds « Orange Digital Ventures » soutiennent notre stratégie d’ouverture digitale. Nos prises de participation dans des start-ups comme Actility, un leader des réseaux de l’IoT, Afrostream, le Netflix africain, ou encore Afrimarket, spécialiste du transfert d’argent « cash to goods », nous préparent à d’éventuelles ruptures. L’agilité est clé. L’humilité aussi : nous avons toujours à apprendre des signaux faibles venus de l’extérieur et des technologies nouvelles qui peuvent venir enrichir l’offre de connectivité et les services d’Orange.