Point de vue

Enjeux du pricing du mobile money en Afrique

ven. 01 juin 2018

Mobile money : le pricing, pilier de la rentabilité d’une solution de paiement mobile

Apparu il y a maintenant 10 ans avec l’opérateur Kenyan Safaricom et son service M-Pesa, le mobile Money s’est rapidement imposé comme la référence en Afrique en matière d’inclusion financière. Mais qu’est-ce que le mobile money et en quoi son pricing est-il clé pour être pérenne ?

De multiples acteurs se partagent le marché

Quelques 140 acteurs composent le marché du mobile money sur le continent Africain. Les principaux étant M-Pesa, MTN Money, Orange Money, Airtel Money et Tigo-Cash, et les non télécom tels que Wari, Western Union, Money-Gram, Express Union, … .

Le service phare étant le transfert d’argent domestique. Ces acteurs se diversifient avec des produits satellites prépayés  tels que le règlement de factures, le transfert d’argent international et plus spécifiquement pour les opérateurs mobile ; l’achat de crédit téléphonique, le paiement de salaire, chez des marchands locaux et en ligne. Toutes ces transactions s’effectuent via un mobile (pour les services proposés par les opérateurs mobile) sans nécessairement posséder le « dernier cri ». La technologie est simple, il suffit de composer un code court de type #144# accessible dès que la zone géographique est couverte par l’opérateur mobile.

D’après la GSMA, l’Afrique Subsaharienne compte près de 70% des comptes actifs avec environ 82 millions d’utilisateurs tous les mois à fin 2016.

Dans un contexte de concurrence forte sur les marchés locaux, quel rôle joue le pricing des services de mobile money dans le maintien et le développement des acteurs ? L’analyse ci-dessous se cantonnera aux opérateurs Mobiles de transfert d’argent.

Des sources de revenus et de coûts

Le mobile money puise la plupart de ses revenus du retrait d’argent grâce au transfert domestique de personne à personne (P2P), avec une part croissante des revenus du transfert international. Avant toute transaction, le client doit effectuer un dépôt pour alimenter son compte plus communément appelé « wallet ». Ce dépôt est généralement gratuit pour le client car il permet d’augmenter plus rapidement la valeur de monnaie électronique en circulation dans les comptes des clients.

Par ailleurs tout service de mobile money s’appuie principalement sur un réseau de distribution externe à l’opérateur, disposant d’un grand nombre d’agents sur des zones clés pour assurer un maillage pertinent du territoire. Le réseau de distribution perçoit quant à lui des commissions à chaque transaction sur les dépôts et retraits d’argent des clients.

En divisant l’ensemble des revenus issus des transactions clients par les commissions reversées aux réseaux de distribution, on obtient la marge commerciale brute du service. En 2015, les opérateurs de mobile money reversaient 54%[1] de leurs revenus en commissions aux distributeurs.

Ce taux qui peut paraître élevé, est en réalité plus important en cas de fraude sur les transactions mobile money. Beaucoup d’opérateurs de mobile money sont en effet victimes de fraudes de la part de leurs clients mais surtout de leurs distributeurs détaillants.

Parmi ces fraudes, le fractionnement des dépôts a frappé une grande majorité d’opérations au cours de ces dernières années. Cela consiste à découper une transaction d’un montant donné en un nombre plus ou moins élevé de petites transactions qui permettent au distributeur de gagner davantage de commissions sur les dépôts client. Outre la dégradation de l’expérience client pour les utilisateurs honnêtes du service, le fractionnement fragilise la marge sur commissions de l’opérateur et la rend des fois négative.

Trouver le juste équilibre entre frais clients et commissions distributeurs

Aussi, il est crucial pour un opérateur de mobile money de trouver l’équilibre harmonieux entre les prix client et les commissions distributeurs. Il en résulte le taux de marge brute du service de mobile money. Le plus grave consisterait à verser plus de commissions aux distributeurs que de frais perçus des clients. Cela se traduirait par une marge sur commissions négative pour l’opérateur.

Les commissions distributeur constituant le 1er facteur de coût du mobile money. Il convient de conserver un niveau de reversement du chiffre d’affaires au réseau de distribution en cohérence avec ce que reversent les concurrents. I

Enfin, certains marchés extrêmement concurrentiels caractérisés par des prix clients bas et un niveau de reversement parfois élevé au réseau de distribution ouvrent un boulevard aux détaillants sur le risque de fractionnement des transactions. Ainsi, il convient de fixer des seuils client en nombre de transaction cash-in / cash-out permettant de juguler ce risque et d’assurer un niveau de profitabilité à moyen terme de l’activité de Mobile Money.

 

[1] Source : GSMA, 2015

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Julien Guyotte

Sofrecom