Point de vue

Cloud gaming : quelle place pour les opérateurs télécoms ?

lun. 02 sept. 2019

La concurrence s’annonce rude sur le marché mondial du Cloud Gaming. C’est pourtant un réel relais de croissance pour les opérateurs. Ces derniers maîtrisent le réseau, un des facteurs de qualité et de satisfaction client.

Arthur BENDA

Le marché mondial du Cloud Gaming devrait connaître un développement rapide dans les prochaines années. Générant 665 millions de dollars en 2019, les principaux analystes prévoient une croissance de 65% au cours des cinq prochaines années. En terme de revenu annuel total, on s’approcherait des  8 milliards de dollars en 2024, suscitant l’intérêt de nombreux acteurs. (source OVUM)
Ces services dépendent fortement du réseau et semblent donc un terrain de conquête idéal pour les Telcos. Comment alors les opérateurs télécoms peuvent-ils conquérir des parts de marché et tirer leur épingle du jeu ?

Le cloud gaming en quelques mots

Le « cloud gaming » est un service à la demande permettant de jouer à des jeux vidéo dernière génération sur l’ensemble des équipements du foyer (TV, smartphone, tablette), à la manière du streaming.

De nombreux avantages pour les utilisateurs…

Le cloud gaming, via la dématérialisation, offre bien plus qu’un simple gain financier et temporel aux joueurs. Il permet de repenser l’expérience client à plusieurs niveaux.

C’est d’abord la possibilité de jouer sur n’importe quelle plateforme (Linux, Windows, Mac OS..). Un simple écran et un appareil connecté à internet permettent de jouer à des jeux, et ce, quelle que soit la puissance de calcul nécessaire.

De plus, les utilisateurs peuvent accéder aux dernières versions des jeux, le tout sans téléchargement ni installation de logiciels.

C’est enfin un bon moyen de répondre aux problèmes d’espaces sur le disque dur : les serveurs sont mis à jour en permanence de manière transparente.

…en dépit de quelques inconvénients notables

Les détracteurs à la dématérialisation lui reprochent la nécessité d’être connecté à internet en permanence. Le second reproche porte sur les temps de latence supplémentaires. Il y a par ailleurs une crainte d’assister à la généralisation d’un modèle de type « netflix » pour les jeux vidéo. La multiplication des acteurs pourrait en effet obliger les utilisateurs à s’abonner à de multiples plateformes).

Un marché très concurrentiel

Quand les start-ups attaquent les géants des jeux vidéos

Les premières avancées technologiques concrètes en matière de cloud gaming ont vu le jour au milieu des années 2000. Parmi les plus avancées se trouve « Shadow », le service de la start-up Blade lancé en 2015. Il permet d’accéder à une bibliothèque de jeux vidéo en streaming.
La même année, Nvidia, entreprise spécialisée dans la conception de processeurs et de cartes graphiques, a lancé GeForce Now. Ce service de cloud gaming est accessible en France depuis janvier 2018 mais toujours en version beta.

Le service le plus populaire du marché est probablement «Playstation Now» de Sony. Le business model est un peu différent de celui de ses concurrents. Il s’agit d’un service d’abonnement mensuel (14,99€/mois en France) qui donne accès à plus de 500 jeux accessibles en streaming. D’après les estimations, le service engrangerait près de 52% des revenus générés par les services d’accès à des jeux vidéo par abonnement.

Quid des GAFAM?

Les GAFAM [2], ces géants du net, commencent aussi à surfer sur la vague, persuadés qu’après la musique et la vidéo, la révolution du streaming va toucher le monde du jeu vidéo.

En premier lieu Google, avec son service Stadia pro (9,99€/mois) annoncé en mars dernier. Comme ses concurrents, Google va proposer sa plateforme de jeu à la demande. L’idée est de permettre aux éditeurs de jeux vidéo d’accéder aux plus de 2 milliards d’utilisateurs de Chrome partout dans le monde. Particularité, Stadia proposera une passerelle inédite avec Youtube. Lorsqu’un joueur aura besoin d’aide au cours d’une partie par exemple, il pourra recevoir des suggestions de vidéo avec des scènes qui se déroulent exactement là où il se trouve dans le jeu.

En second lieu, Amazon et surtout Microsoft seraient en train de préparer leurs solutions de jeux vidéo en streaming pour 2020. Ce dernier lancera son projet xCloud qui permettra de jouer à ses jeux Xbox sur n’importe quel périphérique (smartphone, tablette, console de jeux) connecté à Internet.

Quelles opportunités pour les opérateurs télécoms dans le cloud gaming ?

La connectivité, levier de qualité de service

Les principaux opérateurs télécoms vont être amenés à jouer un rôle important sur ce marché pour plusieurs raisons.
Dans un premier temps, le cloud-gaming représente une opportunité majeure pour ces acteurs de valoriser leurs réseaux très hauts débit et d’offrir à leurs clients une expérience de jeux vidéo innovante sur tous les écrans, TV, PC, tablettes et smartphones. La 5G, qui permettra de proposer une qualité de service différenciée selon les services, s’inscrit parfaitement dans ce cadre.

Les contenus, sources de valeur, différenciation et fidélisation

Dans un second temps, les opérateurs pourraient jouer un rôle sur la partie contenus. Depuis quelques années, ils ont changé leur statut. De simples distributeurs de solutions de connectivité, ils sont devenus des opérateurs multi-services du digital. De nombreux fournisseurs d’accès Internet (FAI) ont senti le parfum de la révolution et se sont lancés sur le jeu vidéo.

En France, c’était le cas de SFR, avec son ancienne NeufBox, qui s’est lancé très tôt dans le jeu à la demande en partenariat avec Wiztivi.
Orange était déjà implanté depuis plusieurs années sur ce marché par l’intermédiaire de son service « Orange Jeux ». L’opérateur pourrait être amené à accélérer en proposant une offre de location de PC dans le Cloud, destinée aux joueurs, calquée sur ce que propose la société Blade avec Shadow. Ainsi, l’utilisateur n’aura qu’à brancher un dongle HDMI proposé par l’opérateur sur son écran, connecter un clavier, une manette et une souris sans fil, pour profiter de son PC dématérialisé.

Chez nos voisins Européens, Proximus, leader sur le marché télécom en Belgique a précisément noué un partenariat avec Shadow. A l’automne 2019, Shadow sera accessible à tout client Proximus équipé de sa nouvelle génération de décodeur. Grâce à Shadow, ce décodeur pourra être utilisé comme console de jeu vidéo ultra-puissante permettant de jouer à tous les derniers jeux, quel que soit le catalogue.


La distribution de services tiers, pour enrichir les forfaits data

Enfin, les opérateurs internationaux de téléphonie mobile peuvent jouer un rôle de « distributeur » de ces services, comme ce fût le cas antérieurement avec les accords passés avec Netflix et Spotify.

A titre d’illustration, Sprint et Vodafone ont prévu de proposer dans leurs forfaits 5G le service de cloud gaming sur mobile dénommé Hatch. De la même manière, LG et Softbank ont un accord similaire avec GeForce de Nvidia. Pour les opérateurs, c’est un bon moyen de faire de « l’upsell » par la vente de forfaits plus fournis en data, en plus d’améliorer l’acquisition et la rétention des abonnés.

 

La concurrence s’annonce rude sur le marché mondial du Cloud Gaming. C’est pourtant un réel relais de croissance pour les opérateurs. Ces derniers maîtrisent le réseau, un des facteurs de qualité et de satisfaction client. Pour en tirer de réels revenus, ils devront pourtant aller au-delà de la simple connectivité : qualité de service adaptée au gaming, forfaits incluant les jeux et partenariats sur les contenus seront déterminants dans leur réussite.

 

[1] Sources: IDATE et Factiva

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Arthur Benda

Consultant en Marketing Stratégique