
La 5G devrait permettre de nouveaux usages (objets connectés, voitures connectées, etc.), mais certains observateurs s’interrogent sur son modèle de monétisation.
En effet, l’introduction de la 5G semble aussi prometteuse que celle de la génération précédente. Comment, dans ce contexte, justifier un prix premium alors que tous les concurrents déploient leurs offres simultanément, neutralisant ainsi tout avantage concurrentiel ?
Alors que la 5G devrait profiter à de nombreux usages B2B (IoT, voitures connectées, etc.), de nombreux observateurs questionnent les perspectives de monétisation, car l’introduction de la 5G présente de nombreuses similarités avec la 4G. Il semble très difficile pour les opérateurs mobiles de maintenir un tarif premium dans un environnement où tous les acteurs déploient en même temps, sans pouvoir bénéficier d’un avantage concurrentiel durable.
Un business model délicat pour le Fixed Wireless Access (FWA)
Ce nouveau paradigme permet potentiellement de remplacer les infrastructures fixes, que ce soit pour les réseaux étendus (WAN) ou les réseaux locaux (LAN).
Sur le plan du WAN, l’opportunité du Fixed Wireless Access est de plus en plus analysée. Il s’agit d’une technologie clé pour l’inclusion numérique, en augmentant le nombre de clients connectés et le débit disponible. Cependant, elle n’introduit pas nécessairement de nouveaux usages. Le FWA et la fibre peuvent être proposés dans des offres identiques, s’adressant principalement au B2C et aux petites entreprises.
Cela ouvre la voie à de nouveaux revenus via l’extension de la base clients haut débit, et permet aux opérateurs mobiles d’entrer sur le marché des télécoms fixes. Le business model dépendra de plusieurs paramètres : la bande de fréquence utilisée déterminera la distance à laquelle l’antenne devra être placée par rapport aux clients. Par exemple, à 26 GHz, une ligne de vue peut être nécessaire, imposant des contraintes fortes, contrairement à des bandes plus basses comme 3,5 GHz qui pénètrent mieux les bâtiments. Par ailleurs, rapprocher les antennes des clients nécessite un déploiement de fibre pour le backhaul, donc une infrastructure fixe déjà proche du client.
Dans ce cas, il peut y avoir une concurrence entre le sans-fil et le filaire pour construire le dernier kilomètre. Un autre point à prendre en compte est l’impact au sein des locaux clients : les solutions sans-fil peuvent nécessiter une étude de site et l’installation d’équipements extérieurs, tandis que la fibre peut nécessiter des travaux de génie civil. L’opportunité FWA repose donc sur un équilibre économique très délicat.
Avec les réseaux mobiles privés, les opérateurs peuvent combiner intégration et fourniture de services traditionnels
Les solutions de couverture de campus (y compris les réseaux mobiles privés) seront dans un premier temps en concurrence avec les solutions Wi-Fi existantes (Wireless LAN). Toutefois, la 5G ouvre de nouvelles perspectives, par exemple en garantissant des SLA pour certains processus critiques de l’Industrie 4.0 ou sur de grandes zones géographiques. Ces solutions cibleront les grands clients tels que les ports, aéroports, et propriétaires d’actifs industriels (usines, mines, raffineries…).
L’approche et la proposition de valeur ne reposent plus sur la connectivité seule, mais sur le coût de possession ou l’amélioration des processus métiers. Les modèles économiques dépendent du niveau de dévouement de l’infrastructure. Dans certains pays, des entreprises privées peuvent construire un réseau mobile totalement privé. Si l’opérateur intègre une telle solution, on parle alors de modèle d’intégrateur, où le capex est entièrement pris en charge par le client.
Cependant, ces services peuvent aussi être délivrés sous forme de solutions hybrides, où l’opérateur attribue certaines ressources partagées au client (comme des éléments du réseau cœur ou des fréquences). Le résultat sera un modèle économique mixte entre ressources partagées et dédiées, avec des différences de coût de possession pouvant aller jusqu’à un facteur 5 selon le design technique retenu.
Le modèle B2B2X dans l’IoT
L’autre grande opportunité repose sur l’intensification de l’Internet des Objets (IoT).
La 5G va permettre de répondre aux exigences critiques de l’IoT grâce à ses capacités de faible latence.
Les cas d’usage les plus mis en avant sont la santé / télémédecine et les véhicules autonomes, surtout lorsqu’ils sont associés à un très haut débit. Pour certaines de ces offres, de nouveaux modèles de commercialisation doivent être envisagés. Par exemple, un utilisateur de voiture n’achètera probablement pas le système d’infodivertissement embarqué directement auprès de l’opérateur télécom. De même, les patients hospitalisés ne seront pas directement clients de l’opérateur.
Ces modèles sont appelés B2B2X : la monétisation de la solution est indirecte. L’opérateur vend un service B2B à une entreprise, au bénéfice de ses clients finaux (B2X).
Par exemple, un opérateur peut vendre des capacités de réalité augmentée à une entreprise, qui les proposera ensuite à ses clients dans un contexte donné (entrée dans un magasin, un stade, etc.) ou selon une situation déterminée à partir d’informations analytiques (profil client, localisation, comportement…).
Dans l’IoT massif, il peut même exister des modèles où la valeur des données collectées est supérieure à celle de l’abonnement mobile. Dans ce cas, l’opérateur tire ses revenus de la donnée et propose l’abonnement gratuitement. Ce modèle peut être déployé dans des environnements Smart City, avec des capteurs dédiés à divers cas d’usage : comptage, éclairage intelligent, gestion du trafic, gestion des déchets…
L’IoT dans ce modèle B2B2X est une véritable opportunité pour les opérateurs de rattraper les OTT en matière de monétisation de la donnée. Cependant, donner du sens aux données IoT nécessite d’aller au-delà de l’objet lui-même (caméra, lampe, capteur…) et de l’intégrer au processus métier. La valeur réside donc dans la combinaison entre les données clients et celles des objets, dans le cadre d’un processus métier donné. Dans certains cas, comme les véhicules autonomes, ces processus n’impliquent que des objets (voitures, routes…).
Chaque processus métier est intimement lié à l’entreprise (une usine, un service public) ou à l’autorité locale (ville) qui l’exploite. En réalité, comprendre les données IoT nécessite que l’opérateur établisse une relation B2B étroite avec ce "propriétaire métier".
La monétisation de ces opportunités ne repose pas uniquement sur la technologie, mais aussi sur un changement de mentalité.
Pour réussir et atteindre la rentabilité, les opérateurs devront transformer leur go-to-market, mais aussi leur structure de marge, où les compétences compteront davantage que les investissements en capital (Capex). C’est le modèle économique typique d’un prestataire de services ICT.
Cette transformation est déjà en cours : de nombreux opérateurs développent de plus en plus de capacités à intégrer des services ICT additionnels au-delà de la connectivité. Ces revenus dits "de service" représentent déjà jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires B2B de nombreux opérateurs télécoms.