Point de vue

Le nouveau souffle des services financiers mobile

mer. 11 févr. 2015

Pour capter le marché des services financiers mobiles, les opérateurs doivent devenir incontournables. Cela suppose de dépasser les frontières traditionnelles de leur activité et de résister à la tentation de faire cavalier seul.


Le mobile money : un must have pour se différencier et fidéliser les clients dans les pays faiblement bancarisés

Depuis le milieu des années 2000, les opérateurs mobiles ont développé de nouveaux services de Mobile Money, d’abord en Asie et en Afrique, puis en Amérique Latine et au Moyen- Orient. Les premiers lancements ont eu lieu dans les pays faiblement bancarisés avec le transfert d’argent entre abonnés. Depuis de nouveaux usages se sont développés comme le paiement de factures ou le microcrédit. Aujourd’hui près de 40 millions d’africains utilisent activement des services de Mobile Money. 

Ces services ont contribué à répandre les usages numériques auprès de populations qui vivaient en marge de la révolution numérique, car ils répondent à des besoins fondamentaux. Pour fournir ces services, les opérateurs se sont appuyés sur une technologie simple et disponible sur 99 % des terminaux : l’USSD(1). 

Au-delà des revenus liés aux commissions perçues sur les transactions, les opérateurs tirent de nombreux bénéfices indirects de cette activité. C’est un levier d’acquisition clients, de fidélisation et de montée en valeur. Dans des contextes où les clients possèdent plusieurs cartes SIM, l’opérateur qui propose des services de Mobile Money a plus de chance d’être choisi comme SIM principale.


Développer les usages m-money pour accroître leur rentabilité

À ce jour, les niveaux de rentabilité constatés sur les services de Mobile Money restent inférieurs à ceux de l’activité de vente de minutes.

Deux facteurs expliquent cela : 

 - Les partenaires captent une part très significative des revenus des commissions. Ces réseaux de partenaires constitués de commerçants sont aujourd’hui incontournables puisqu’ils effectuent l’essentiel des opérations de dépôt et de retrait d’argent liquide.
- Le niveau d’adoption réel par les utilisateurs reste encore trop limité par rapport aux investissements consentis.


L’augmentation de l’usage permettra aux opérateurs de rentabiliser sensiblement leurs investissements sur ces services. La GSMA estime qu’à maturité, les offres de Mobile Money génèrent une marge EBITDA de 20 %, alors qu’elle n’est que de 2 % durant la phase intermédiaire de développement. C’est dans cette phase intermédiaire que se situent bon nombre d’opérateurs à ce jour. 

Le marché est donc loin d’être à saturation. Les opérateurs doivent intensifier leurs efforts pour éduquer à ces usages, développer la capillarité des réseaux de partenaires et améliorer l’efficacité opérationnelle.


Étendre le portefeuille de services

Pour continuer à créer de la valeur, il est primordial de proposer des services autres que le transfert d’argent entre abonnés ou l’achat de crédit téléphonique, et les pistes sont nombreuses :

- transfert international,
- règlement de facture,
- versement de salaire,
- paiement en ligne,
- assurance,
- épargne et micro-crédit… 

Plus particulièrement, des services comme le transfert international ou le paiement des salaires, permettent d’injecter des montants très significatifs dans le circuit Mobile Money. Ce sont donc des accélérateurs dans l’essor des services financiers mobiles, même si leur développement est susceptible d’être contrarié par la place de l’économie informelle. 

 La mise en place des services financiers requiert des partenariats souvent complexes avec des acteurs externes à l’univers des télécoms (banques, facturiers…). En conséquence, la capacité des opérateurs à travailler simultanément avec un grand nombre d’acteurs est clé pour le succès des services financiers mobiles sur le long terme.


L’interopérabilité : autre facteur de rentabilité

Si le fait d’avoir lié le « porte-monnaie mobile » à la carte SIM permet d’augmenter la fidélité du client à l’opérateur, la question de l’interopérabilité se pose aux opérateurs qui comptent faire des services financiers sur mobile un relais de croissance pérenne. Sur les marchés comptant trois opérateurs ou plus, l’interopérabilité incite les entreprises et les gouvernements à adopter ce mode de transaction.
L’interopérabilité signifie une moindre différenciation entre les opérateurs, mais elle crée un cercle vertueux pour atteindre les niveaux d’usage nécessaires susceptibles d’augmenter la rentabilité. L’interopérabilité pourra intervenir lorsque chacun des acteurs aura atteint une taille critique, notamment en termes de réseau de partenaires, pour pouvoir asseoir sa différenciation sur son expérience client et son portefeuille de services. De fait, certains opérateurs ont commencé à rendre interopérables leur service de Mobile Money, comme par exemple Tigo, Airtel et Zamtel en Tanzanie.

Orange Money
« Tout en contribuant fortement au développement économique et social, les services financiers sur mobile représentent pour Orange un axe de croissance majeur en Afrique et au Moyen- Orient. Avec Orange Money, nous sommes fiers d’apporter ces services essentiels à plus de 13 millions de clients, qui ont échangé en 2014 plus de 4,5 milliards d’euros. Au cours des années à venir, nous continuerons à innover, notamment en lançant ces services dans de nouveaux pays ainsi qu’en proposant des services innovants, par exemple dans le domaine du micro-crédit. »

Marc Rennard, Directeur Executif Orange AMEA et Président du conseil d’administration de Sofrecom


Dans les économies les plus bancarisées, les services financiers mobiles restent à inventer

Au-delà de la gestion des comptes bancaires sur les applications mobiles déjà bien répandue à l’initiative des banques (traditionnelles et en ligne), c’est le paiement marchand sans contact, les coupons et le transfert d’argent qui devraient constituer l’essentiel des usages futurs.
La maîtrise de l’authentification est convoitée par les différents acteurs (constructeurs de terminaux, banques, opérateurs, fournisseurs de cartes bancaires, OTT…). À ce jour, aucune solution n’ émerge fortement de la multiplicité des propositions. Ceci explique une adoption relativement faible de ces services dans les pays très bancarisés.


L’expérience client facteur clé d’adoption des services

Pour passer à la vitesse supérieure, les opérateurs doivent réussir le défi de l’expérience client, c’est-à-dire, parvenir à proposer des services simples et ouverts. L’interopérabilité entre les acteurs en est la condition sine qua non.
La simplicité d’usage offerte par le sans contact est un autre « must » pour ces services. Le NFC est considéré depuis longtemps comme LA technologie du paiement mobile marchand. Les smartphones haut de gamme intègrent désormais cette fonction, et de plus en plus de réseaux de commerçants sont équipés en terminaux de paiement compatibles NFC.


Dépasser l’activité purement télécom et contribuer à la construction du futur écosytème m-money

Les réseaux de paiement déjà installés dans les points de vente (Visa, Mastercard…) ne peuvent être ignorés, car ils sont incontournables dans l’expérience client (par la présence de leur terminal en magasin, et pour gérer les aller-retour avec le compte bancaire du client).
La logique de partenariat avec les fournisseurs de cartes de paiements, les banques et l’alliance entre opérateurs sont nécessaires, et peuvent aller jusqu’à intégrer ou développer une activité bancaire en propre (c’est le cas de Telenor en Serbie).
En Europe ou aux États-Unis, de nombreux acteurs se positionnent sur ces usages, comme Apple avec sa solution Apple Pay et les OTT (Google wallet). Mais disposer d’une solution ne suffit pas : il faut parvenir à faire converger les équipements marchands, les terminaux, les banques et les opérateurs sur une même proposition, qui convainque aussi les utilisateurs.
Il manque un gros marché pour achever la structuration d’un écosystème et lancer le mouvement. Le jeu reste ouvert pour les opérateurs qui sauront aller au-delà de leur activité traditionnelle pour être les organisateurs de cette « convergence ».