Point de vue

Le mobile money accélère la digitalisation des gouvernements

mer. 23 janv. 2019

De nombreux programmes de e-gouvernement sont inscrits dans les agendas politiques des Etats du continent africain. La digitalisation de leurs transactions financières avec les usagers, qu’il s’agisse de collecter des taxes ou de verser des salaires et allocations, constitue un levier d’accélération de leur transformation et une preuve manifeste de leur modernisation rapide. Spontanément les gouvernements se tournent vers les opérateurs de téléphonie mobile, plutôt que vers les banques, pour mettre en oeuvre leur solution de mobile money.

En Afrique où seulement 10% de la population est bancarisée, mais 70% des personnes possèdent un téléphone portable, les transactions via le mobile money traitaient, en 2017, 1 milliard de dollars par jour (GSMA). Les banques locales ne comptent que quelques dizaines d’agences par pays lorsqu’un opérateur comme Orange possède un réseau de 160 000 points de contact « Orange Money » dans les 17 pays où il est présent. Aussi est-ce tout naturellement que les gouvernements s’adressent à Orange pour déployer leurs projets de digitalisation de flux de paiement : collecte des frais de scolarité en Côte d’Ivoire ; acquittement de la vignette automobile en Guinée ; paiement des parcmètres à Madagascar…

Une solution attractive pour toutes les parties prenantes

Qu’il s’opère dans le sens P2G (Person to Government) ou G2P (Government to Person), le paiement mobile renouvelle la relation entre l’Etat et le citoyen et présente un intérêt fort pour l’ensemble des parties.

• Il est rapide, pratique et fiable pour le citoyen qui n’a plus à se déplacer, parfois fort loin de son domicile ou de son commerce, ni à faire des heures de queue pour s’acquitter d’un acte simple : le paiement de frais d’inscription, de taxes, de factures d’eau et d’électricité… La tarification est transparente et l’usager est assuré, via un reçu immédiat, de l’enregistrement de son paiement. Sa confiance dans le service public est accrue.

• Le mobile money contribue à l’efficacité de l’Etat : en éliminant les risques liés aux transactions en espèces (pertes, vols à main armée, détournements), il garantit à l’Etat que la totalité de l’argent versée par les citoyens entrera dans ses caisses au moment voulu. Ainsi, l’administration accroît ses recettes, gère mieux sa trésorerie et ses budgets, et optimise ses coûts. Elle peut réaffecter le temps de ses agents-percepteurs à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Grâce à la digitalisation, elle dispose de bases de données plus fiables, complètes et facilement actualisées (fichier des élèves, des automobilistes…). Dans le sens des paiements G2P, l’efficience est identique : l’instituteur rural qui perçoit son salaire de façon électronique n’a plus à fermer son école pendant une semaine pour se rendre dans la capitale.

Autre avantage majeur : la traçabilité des paiements mobiles apporte de la transparence dans la gestion des finances publiques, une pratique encouragée par les institutions internationales (FMI, Banque Mondiale). C’est pour les Etats, un levier d’amélioration rapide de leur notation en matière de «bonne gouvernance».

• Quant aux opérateurs, tenus de garantir l’excellence opérationnelle de la solution de mobile money qu’ils fournissent aux Etats, ils trouvent dans son déploiement plusieurs opportunités : toucher de nouveaux clients, réactiver des utilisateurs inactifs, accroître le volume des transactions et augmenter leurs recettes au service de l’amélioration continue de l’expérience client et du développement de l’écosystème.

Un vecteur d’inclusion financière

Lorsque le Ministère de L’Education Nationale et de l’Enseignement Technique (MENET) de Côte d’Ivoire a pris la décision stratégique de rendre obligatoire le paiement électronique des frais de scolarité en 2014, il a contribué à l’inclusion financière de nombreux administrés. L’Etat a conduit certains parents des 2 millions d’élèves du secondaire, à utiliser pour la première fois et à moindre coût un service financier mobile de base, leur ouvrant un champ des possibles dont ils étaient auparavant exclus. J’ai récemment rencontré au Burkina Faso deux femmes qui, grâce à leur compte Orange Money, ont pu lancer sur Facebook une e-boutique de vente de produits agricoles burkinabés. La digitalisation des paiements gouvernementaux est un facteur de développement social et de croissance économique.

Des facteurs clés de succès

Plusieurs prérequis garantissent la réussite de la digitalisation des flux de paiement gouvernementaux :

• Une volonté politique forte au plus haut niveau de l’Etat, comme en Côte d’Ivoire, à Madagascar ou au Niger qui a créé en 2016 une Agence Nationale pour la Société de l’Information, directement rattachée au Président de la République. C’est indispensable pour dépasser les lenteurs, les résistances humaines, les conflits entre ministères.

• Une approche collaborative public/privé : la mise en place d’une solution de mobile money mobilise généralement l’ensemble des opérateurs d’un pays. Seule une forte concertation entre les opérateurs et avec l’Etat peut garantir un parcours utilisateur uniformisé et opérationnel.

• Une technologie robuste : elle est parfois compliquée à mettre en oeuvre du fait de l’incompatibilité des systèmes IT à interfacer.

• Une organisation de gestion de projet efficace.

• Un accompagnement à la conduite du changement. La digitalisation des paiements n’est souvent qu’une brique d’un projet de transformation plus vaste qui remet en question les métiers des agents, les pratiques quotidiennes, les modes de fonctionnement des services. Des sociétés comme Sofrecom ont acquis une grande expertise dans cet accompagnement.

• Une campagne de communication importante pour lancer le service.

• Un partenariat gagnant-gagnant: si l’Etat accroît substantiellement ses recettes et optimise ses coûts grâce au mobile money, il devra rémunérer les opérateurs par une commission sur chaque paiement effectué, éventuellement financée par une organisation internationale.

Vers l’interopérabilité…

Cette dynamique de digitalisation des paiements gouvernementaux qui implique des millions d’utilisateurs rend centrale la question de l’interopérabilité réclamée par les régulateurs. Dans la quasi-totalité des pays africains, les systèmes de mobile money des opérateurs concurrents ne sont pas interopérables alors que la fluidité du parcours client est essentielle. Nous pensons que la réponse doit venir des opérateurs, comme à Madagascar où nous nous sommes tous mis autour d’une table pour définir les modalités d’interopérabilité. Car une réglementation mal adaptée aux réalités des opérateurs peut conduire à des fermetures de services.

… et un nouveau modèle de partenariat banques-opérateurs

La montée en puissance du mobile money sur un marché d’1,2 milliards d’habitants bouscule les relations entre les acteurs. Les banques qui, historiquement ont adressé le marché des entreprises et celui des particuliers aisés viennent aujourd’hui chercher des détenteurs de comptes d’argent mobile. Dans le même temps, de plus en plus de clients bancarisés utilisent Orange Money dont les usages croissent également dans le BtoB pour des opérations entre professionnels. Depuis 2016, Orange est devenu émetteur de monnaie électronique (EME) dans 7 pays d’Afrique. Nous développons des produits d’épargne, de micro-crédits et d’assurances. Les frontières entre banques et opérateurs se redessinent, mais les deux parties continueront à avoir besoin l’une de l’autre. Reste à définir le nouveau modèle de business qui permettra à chacune de se développer.

Mobile money gouvernemental : une efficacité prouvée

Le paiement mobile des frais de scolarité en Côte d’Ivoire, représente 12 M€ de transactions par an.

  • En 2017, 3 mois aprés le lancement de la solution de paiement mobile de la vignette automobile. en Guinée, le Ministère a recouvré 3 fois plus de recettes que durant toute l’année précédente. Ce service permet à l’automobiliste de retirer sa vignette dans la boutique Orange 24h après avoir effectué son paiement mobile.
  • A Antananarivo, les automobilistes règlent plus facilement leur parcmètre avec Orange Money. L’agent vérificateur peut s’assurer en temps réel du paiement à partir d’une tablette.

Le mobile money en chiffres (2017)

  • 338,4 millions de comptes en Afrique (+18,4% vs 2016), dont 34% en Afrique de l’ouest (Source : GSMA State of the INdustry report 2018)
  • Orange Money N°1 des services de paiement électronique et de transfert d’argent en Afrique de l’ouest 38,7 millions de clients dans 17 pays dont 13 millions d’utilisateurs mensuels
  • Montant des transactions 2017 : 26 Md € CA pour Orange en 2017 : 241 M€ (5% de ses recettes en AMEA).

 

 

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Alban Lutherne

Directeur Wholesale Domestic