Point de vue

Le « e-gouvernement » accélère partout dans le monde

jeu. 03 oct. 2019

La maturité digitale des gouvernements des 193 pays membres de l’ONU continue de progresser tirée par la digitalisation de leurs services publics. En 2018, 40 pays en Europe, Asie, Océanie et Amériques ont atteint un très haut niveau d’indice de maturité e-gouvernement, contre 29 en 2016. Si la fracture numérique persiste en Afrique, plusieurs pays du continent ont réalisé des avancées notables dans l’offre de services mobiles et en ligne. Dans cette course technologique à la digitalisation de leurs processus, les gouvernements ne doivent cependant pas oublier l’enjeu premier de la dématérialisation : la simplification du parcours citoyen des usagers.

Une progression significative de la maturité digitale des gouvernements…

Ces deux dernières années, la maturité e-gouvernement des 193 pays membres de l’ONU a progressé de plus de 0,5 point. En effet, l’indice de développement e-gouvernement (EGDI) de l’étude « United Nations E-Government Survey 2018 » que l’ONU réalise tous les deux ans depuis 2001 (cf. encadré) atteint en 2018 une moyenne mondiale de 0,5491 contre 0,4922 en 2016.

Cette progression est particulièrement significative en Afrique dont l’EGDI s’élève à 0,3423 en 2018 contre 0,2882 en 2016, et où l’Ile Maurice, leader du continent, se classe en 66è position mondiale avec un EGDI de 0,6678.

En Europe, toujours en tête du développement du e-gouvernement à l’échelle mondiale, la France a grimpé de la 10è place en 2016 à la 9è place en 2018 avec un indice EDGI de 0,8790. Son objectif est d’arriver à une dématérialisation totale de ses services publics à l’horizon 2022.

… tirée par la digitalisation des services publics

Pour la première fois en 2018, le développement des services publics en ligne constitue le principal facteur d’amélioration des scores EGDI des pays, comme le révèle l’indicateur OSI (Online Service Index) qui atteint une moyenne mondiale de 0,5691 en 2018 contre 0,4623 en 2016 (+0,1068).

C’est le signe d’un progrès notable dans le recours aux TIC pour la fourniture de services publics partout dans le monde et notamment en Afrique et en Océanie, deux régions qui ont particulièrement amélioré leur OSI en 2018. L’Afrique atteint en 2018 un OSI de 0,3633 vs 0,2567 en 2016 et l’Océanie un OSI de 0,3929 vs 0,2966 en 2016. En Afrique, 57% des pays, soit 31 sur 54, ont amélioré leur score OSI en 2018.

Ces résultats suggèrent que le score EGDI des continents encore sous-équipés en infrastructures et dépourvus de ressources humaines éduquées et formées aux TIC, est doublement pénalisé par la méthodologie de l’étude de l’ONU qui se base sur la moyenne de trois indicateurs : les infrastructures, les ressources humaines et les services en ligne pesant chacun pour 1/3 dans le résultat final alors qu’ils ne servent pas le même enjeu.

En effet, les infrastructures (TII) et le capital humain (HCI) ne sont que des prérequis, des socles indispensables au développement de la digitalisation des services publics, alors que le développement des services en ligne (OSI) sert pleinement l’objectif de l’e-gouvernement : améliorer la qualité et l’efficacité des services publics pour faciliter la vie des citoyens et des entreprises. De mon point de vue, il serait donc plus équitable, pour évaluer et comparer les progrès des Etats, de ne prendre en compte qu’un seul critère : le développement des services en ligne (OSI).

La preuve en est que sur les 55 pays du continent africain, seuls 4 pays ont un EGDI global égal ou supérieur à la moyenne mondiale, alors que 10 pays atteignent un OSI supérieur à la moyenne mondiale.

Trois e-services couramment utilisés dans le monde

Les 193 Etats membres de l’ONU disposent tous d’un portail national, dont le niveau de maturité diffère, et d’un système de back-end automatisant les tâches administratives de base. 140 pays fournissent au moins un service transactionnel en ligne.

Parmi les offres qui leur sont proposées, les citoyens privilégient tout particulièrement l’usage de trois des services. Il s’agit du paiement des services publics notamment pour la fourniture d’électricité et d’eau dans 140 pays ; de la déclaration de l’impôt sur le revenu dans 139 pays ; de l’enregistrement des nouvelles entreprises dans 126 pays.

Une progression des services mobiles

Autre tendance 2018 liée au développement continu de la couverture réseaux, à la croissance du trafic de données et de la pénétration du smartphone : de nombreux gouvernements proposent des services ou applications mobiles. 46% des 193 Etats membres de l’ONU offrent ces services dans le domaine de l’éducation, 38% dans le secteur de l’emploi, 36% dans les domaines de la santé et de l’environnement et 33% dans le secteur de la protection sociale.

En Afrique, où le taux de pénétration du mobile est élevé par rapport à d’autres technologies réseaux, les gouvernements sont amenés à prioriser les services mobiles en adoptant une approche « Mobile First » pour développer des services informationnels et transactionnels à destination des citoyens et des entreprises.

Un développement des portails gouvernementaux Open Data

Par ailleurs, 139 pays, soit 72% des Etats membres des Nations Unis, disposent d’un portail gouvernemental Open Data (ODG) contre 46 pays en 2014 et 106 en 2016. Cette progression significative de l’ouverture des données publiques, accessibles à tous les acteurs de la société civile et réutilisables, contribue à l’accroissement de la transparence et de la confiance dans les gouvernements et les institutions publiques.

Des enjeux de référencement des portails nationaux

Cependant, il ne suffit pas de disposer d’un portail national encore faut-il le faire connaître pour garantir sa fréquentation. Une étude récente réalisée au Royaume-Uni révèle, en effet, que les citoyens à la recherche de renseignements sur une démarche administrative (déménagement, renouvellement de la carte d’identité...), préfèrent se connecter à un moteur de recherche de type Google, Yahoo, Bing… pour accéder à l’information, plutôt qu’au portail national du gouvernement. Ce comportement doit inciter les gouvernements à réfléchir à leur politique de référencement afin d’accroître la visibilité de leur site web et améliorer le référencement des informations publiées.

Les gouvernements sont ainsi amenés à développer des nouvelles compétences autour du marketing digital pour valoriser leurs services digitaux et améliorer l’expérience citoyen.

La qualité de l’information levier d’une transformation efficace

Actuellement de nombreux pays se lancent dans des projets parfois complexes de dématérialisation des processus de l’Etat et des institutions publiques. Mais la course à la digitalisation ne suffit pas pour réussir une démarche d’e-gouvernement, l’expérience du terrain nous le montre tous les jours !

L’enjeu critique pour développer les interactions avec les usagers et les satisfaire en fluidifiant leur parcours citoyen c’est d’abord de mettre à leur disposition de l’information pratique, claire, fiable et à jour. Une information en phase avec les besoins des particuliers et des entreprises :

  • connaître les démarches à effectuer, les horaires d’ouverture, les contacts e-mail,  les adresses, télécharger les formulaires à renseigner,
  • être informés par SMS de l’état d’avancement de la démarche...

Or, nous constatons encore un retard considérable en la matière dans de nombreux pays, y compris en Europe. Ainsi en France, un des pays leaders dans le développement des e-services, selon les résultats du tableau de bord des services publics numériques 2017, seuls 28% des particuliers ont déclaré avoir réalisé une démarche administrative en ligne en 2016, alors que 47% ont consulté un de leur compte en ligne et que 42% ont cherché des informations sur les démarches administratives.

Ces pourcentages révèlent que la recherche d’informations constitue le premier besoin des usagers des services publics, à l’instar de celui des consommateurs dans le domaine du e-commerce où 8 acheteurs sur 10 recherchent de l’information sur internet avant de se rendre en boutique et de réaliser une transaction.

On notera que la mise à disposition d’informations relève du volet purement organisationnel de la transformation digitale et qu’elle ne présente aucune difficulté technique particulière.

Un ROI mesurable

Les démarches d’e-gouvernement constituent pour les Etats un levier d’optimisation de leurs coûts. Une étude sur  « l’efficacité et l’efficience du e-gouvernement » effectuée par le gouvernement anglais montre que la relation avec l’usager en face à face coûte 50 % plus cher qu’une transaction 100% digitale, tandis qu’une relation téléphonique et une relation postale coûtent respectivement 20 et 30 fois plus cher qu’une transaction totalement dématérialisée.

Cela explique que les pays les plus matures dans le domaine de l’e-gouvernement optent de plus en plus pour le «digital first», autrement dit pour un canal 100% dématérialisé, sans guichet physique, pour la réalisation des certaines démarches administratives. En favorisant le développement des transactions électroniques gouvernementales, cette approche contribue à l’inclusion numérique. Mais elle a un revers : elle peut creuser la fracture numérique entre les citoyens connectés et les personnes qui n’ont pas accès à internet et aux services en ligne.

L’étude E-gouvernement de l’ONU

La Direction des Affaires Economiques et Sociales des Nations Unies (UNDESA) a publié, en juin 2018, la 10è édition de son étude comparative sur la maturité e-gouvernement des 193 Etats membres de l’ONU : United Nations E-government Survey 2018. Cette maturité est évaluée sur la base de l’indice EGDI (E-government Development Index) représentant la moyenne de trois indicateurs :

  • Le « Télécommunication Infrastructure Index » (TII) qui apprécie la pénétration des infrastructures de télécommunication fixes et mobiles donnant un accès à internet.
  • Le « Human Capital Index » (HCI) qui évalue le taux d’alphabétisation des adultes et de scolarisation.
  • Le « Online Service Index » (OSI) qui note la quantité et la qualité des services en ligne fournis par les gouvernements.

 

 

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Hicham Saoud

Responsable BSS et digital gouvernement