Par Philippe Mazaud - Directeur des Ressources humaines Groupe Sofrecom - le 20 octobre 2020
Les crises sont des révélateurs et bien souvent des accélérateurs de transformation. Le confinement a imposé de nouvelles pratiques de travail et de management auxquelles salariés et managers se sont adaptés, souvent avec agilité et inventivité. Il a révélé de nouvelles attentes quant aux règles qui régissent un collectif de travail et la possibilité de modèles plus performants. Le test à grande échelle du télétravail et d’une autonomie renforcée des salariés donne aux directions d’entreprise l’opportunité de réinterroger leur modèle d’organisation du travail.
Le confinement a donné un grand coup d’accélérateur au télétravail, qui s’est imposé comme la solution de continuité des activités. Jusqu’alors, les entreprises éprouvaient des réticences à négocier des accords de télétravail par crainte de perdre le contrôle visuel de leurs salariés. Lorsque de tels accords existaient, peu de salariés en bénéficiaient régulièrement et seulement quelques jours par mois. Une enquête Forum Vies Mobiles évaluait à 7% le nombre de télétravailleurs en France en 2019. Avec le confinement, des millions de salariés ont été précipités dans le télétravail en quelques heures et, au fil des semaines, la courbe de popularité du hashtag #workfromhome a explosé sur Twitter et Linkedin.
La crise a démontré la capacité des salariés à bousculer leurs habitudes et sortir des postures traditionnelles. Ils ont su se mobiliser rapidement et durablement pour rester efficaces. Ils ont fait preuve de souplesse, d’agilité et d’inventivité pour basculer d’un mode de travail organisé et encadré au sein d’un collectif physiquement réuni, à un fonctionnement plus autonome, à la maison, loin de leur manager et de leurs collègues. Ils ont gagné en responsabilisation.
Le télémanagement imposé a privé les managers des temps d’échanges informels au bureau qui habituellement leur permettaient de régler beaucoup de questions avec leurs équipes. Pour suivre l’exécution des projets et maintenir le lien et la motivation individuelle et collective, ils se sont recentrés sur les personnes – l’humain - et moins sur les process : ils ont programmé des temps réguliers d’écoute et de suivi. Ce qui relevait des échanges informels en présentiel s’est structuré pour devenir plus organisé en distanciel.
Durant la période, les managers ont également accepté un certain lâcher-prise. De ce fait, la relation manager-collaborateur a évolué, se fondant davantage sur la confiance et la responsabilisation.
Ces évolutions induites par le télétravail forcé ont changé, durant quelques mois, les habitudes et les comportements de travail dans les entreprises. Elles ont révélé la possibilité de modèles plus performants d’organisation du travail et de management des équipes. Elles ont exacerbé des dysfonctionnements ou des déséquilibres préexistants. Elles ont fait naître des aspirations inédites chez les salariés, qui interpellent les DRH : s’agit-il d’épiphénomènes temporaires ou de mutations de fond ? Lorsque la crise sanitaire sera vraiment derrière nous, les salariés voudront-ils revenir au monde d’avant ou continuer à télétravailler ?
Pour répondre à ces questions et réfléchir collaborativement à l’organisation du travail de demain, il est important pour l’entreprise de prendre le temps d’écouter ses salariés, de capitaliser sur leur vécu, de connaître leurs attentes et de réfléchir avec eux au modèle de travail de demain. Leur récente expérimentation du télétravail à grande échelle constitue un terrain d’études idéal.
D’ailleurs, de grands groupes, comme Orange, ont déjà lancé des enquêtes internes. Les résultats surprennent. Ils témoignent d’un changement assez radical de la perception du télétravail en un temps très court :
Ainsi, le télétravail pourrait s’inscrire dans la durée.
Si la pratique du télétravail se généralise structurellement dans l’entreprise, elle fera bouger un certain nombre de lignes. Elle invitera alors les entreprises à se réapproprier un grand nombre de sujets pour imaginer leur future organisation du travail :
L’enjeu consistera à penser ce nouveau modèle de façon à le rendre créateur de valeur pour l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise : les collaborateurs, mais aussi les clients, les actionnaires, les partenaires et de la société tout entière.
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