Point de vue

Comment devenir une DSI qui impulse la transformation numérique de son entreprise ?

lun. 20 août 2018

Pour la survie d’une DSI dans cette guerre digitale, vous l’avez compris il n’est plus suffisant de se contenter de répondre à la demande, mais il est nécessaire de surprendre, d’anticiper et de se mettre dans une position d’avant-gardiste.

Samia Bendali-Amor

La révolution numérique est une formidable opportunité pour le développement des états et la croissance des entreprises. Cette transformation ne pourra cependant s’opérer sans un profond changement des organisations, des processus et des méthodes de travail. Elle nécessite des choix technologiques judicieux. Le rôle du DSI est clé pour réussir.

Dans ce nouveau monde, une nouvelle fonction émerge le Chief Digital Officier (CDO). Il incarne la transformation digitale de l’entreprise. Sa présence  effective dans les organisations reste anecdotique et souvent ce rôle est implicitement endossé par le DSI. Deux questions se posent alors naturellement:

  • Dans quelle mesure le DSI peut-il jouer le rôle du CDO?
  • Quel est l’enjeu pour la survie d’une DSI alors que les organisations sont en pleine mutation digitale augmentant  ainsi  le risque de voir se développer le « shadow IT » ?

Les DSI sont, souvent,  sévèrement critiqués pour le manque d’agilité du système d’information, pour les coûts élevés de fonctionnement et pour le peu de proximité avec les directions métiers. Alors comment doit faire une DSI pour accompagner les impacts de la transformation digitale qui opère dans un modèle plus complexe, plus largement transversal, ouvert et connecté, collaboratif et nécessitant de l’agilité ?

Les conclusions du Gartner 2018 CIO Agenda révèlent que 95% des DSI pensent que leur métier est ou sera impacté par l’essor du digital. Le principal défi est alors de réinventer la mission de la DSI pour devenir un acteur qui incarne et impulse cette transformation numérique en partenariat avec les métiers.

De notre point de vue, le DSI est un excellent candidat pour porter la fonction du CDO car il occupe une place favorable dans l’entreprise de par son rôle déjà transversale (collabore avec les  métiers et les fonctions support), il est plus familier des technologies, fait partie du comité de direction et parfois siège au conseil d’administration.

Les facteurs clés de succès pour que le DSI assure les missions du CDO

Au travers des nombreux projets menés, des échanges avec les métiers, les DSI, les leaders techniques, les éditeurs et les intégrateurs de solutions, nous identifions les facteurs clés de succès pour qu’une DSI soit un véritable catalyseur de la transformation digitale de son entreprise :

1. L’agilité de bout en bout

Un des premiers facteurs clé de la réussite de la transformation digitale des entreprises est l’adoption du modèle agile pour optimiser le TTM (Time To Market) et prendre ainsi de vitesse la concurrence.

Une étude menée par ESG3 montre que les entreprises agiles ont plus de capacité à réaliser des projets informatiques  avant la date prévue de lancement des projets que les entreprises traditionnelles. Une entreprise agile avec des douzaines, sinon des centaines de projets informatiques au cours d'une année civile réalisera trois fois plus de projets en avance qu’une entreprise traditionnelle avec un nombre comparable de projets. L'impact est significatif aussi bien en termes de profitabilité qu’en termes d'efficacité ou de capitalisation.

Le modèle agile devient incontournable pour s’organiser, travailler avec les métiers et constituer des équipes transverses. Il implique de transformer les projets à effet tunnel en faveur d’un découpage projet en itérations courtes (en moyenne 1 à 3 mois) correspondant à des valeurs métier concrètes. Ce découpage  permet de créer des jalons interruptibles pour prendre en compte rapidement de nouveaux changements et doter la DSI du pouvoir de dire « oui » à d’éventuelles demandes d’évolutions à la feuille de route initiale.

2. Alignement de la stratégie  IT

Une étude récente de KMPG2 montre que plus de la moitié des entreprises  (55%) considèrent que leur stratégie IT n’est pas alignée avec la stratégie business. Si malgré cette divergence, les entreprises traditionnelles continuaient tant bien que mal à survivre, elles risquent à l’avenir de ne plus exister.

Construire  une vision claire du SI cible alignée avec la stratégie business est une condition cruciale pour construire une transformation digitale pérenne. Cette vision constitue sans aucun doute un avantage concurrentiel indispensable au développement de son entreprise.

Les standards autour des Architecture d’Entreprise3 permettent de développer des architectures cibles alignées avec la stratégie business. Une cible donne le cap et doit être réactualisée au fil de l’avancement des projets, des nouvelles priorités  et des avancées technologiques, aussi souvent qu’il y aura des changements de  la stratégie business,

L’art du DSI consiste à atteindre une cible mouvante, avec une seule constante : garantir au  mieux l’alignement avec le business. La définition d’un IT master plan et l’identification des étapes nécessaires à la traduction des besoins métiers en livrables techniques est la seule manière d’assurer cet alignement.

Hélas, nous observons encore une fracture entre les étapes de collecte des besoins métiers, la rédaction des cahiers des charges, la sélection des fournisseurs et intégrateurs et les étapes de réalisation du projet. En effet, par manque de moyens, quand le projet d’intégration débute, on s’écarte du cahier des charges initial pour laisser  à l’intégrateur implémenter  les fonctions standards de sa solution sans prendre en compte parfois l’ensemble des spécifications propres à l’entreprise. C’est le début de l’écart d’alignement de l’IT avec le business. Cet alignement ne peut être parfait, mais tout écart doit être soigneusement étudié, évalué et tracé pour pouvoir en évaluer les impacts et les réduire dans le temps.

3. Développement de l’expérience utilisateur

Pour qu’une DSI puisse jouer un rôle dans la transformation digitale, il est important qu’elle se libère des activités récurrentes à faible valeur ajoutée pour les métiers.

L’industrialisation des tâches récurrentes est déjà bien engagée et les préconisations d’ITIL 4 concernant la gestion du changement sont souvent bien appliquées. Cependant la prise en compte des besoins des métiers dans le choix des technologies et outils IT demeure timide.

Aujourd’hui plusieurs DSI sont réticentes à aller vers le cloud et pourtant les prestataires du cloud permettent de répondre plus rapidement aux besoins des métiers que leur propre DSI.  La DSI peut capitaliser sur ces nouvelles technologies pour en tirer profit et travailler sur les solutions pour traiter les risques liés à la sécurité, à la performance  et autres problématiques engendrées.

Pour gagner du temps, les DSI ont tout intérêt à multiplier les fonctions en libre-service via un portail dédié, à impliquer les métiers dans la définition  du catalogue des services IT y compris l’utilisation par les salariés de leurs terminaux personnels, finalement  penser « expérience utilisateur » par analogie à l’expérience client.

4. Promotion du travail collaboratif et le développement de la créativité et de l’innovation

« Individuellement nous sommes une goutte d’eau. Ensemble nous sommes un océan », Ryunosuke Satoro.

Plusieurs entreprises ont déjà défini des espaces de co-working avec la contribution de leurs collaborateurs, développer des outils collaboratifs pour favoriser le partage et les échanges multi-sites, créer des communautés autour de centres d’intérêt et de thématiques spécifiques, de développer des MOOC pour la formation des collaborateurs, de proposer des boites à idées afin de libérer les énergies, multiplier les initiatives qui apportent plus d’intelligence à l’entreprise.

Il est essentiel pour les DSI de mener le dialogue avec l’ensemble des directions et d’être garant de l’orchestration et la mise en place de l’ensemble des outils favorisant l’innovation, la collaboration y compris pour leurs propres besoins en permettant le développement de POC.

Pour la survie d’une DSI dans cette guerre digitale, vous l’avez compris il n’est plus suffisant de se contenter de répondre à la demande, mais il est nécessaire de surprendre, d’anticiper et de se mettre dans une position d’avant-gardiste.

L’agilité, la construction d’un SI aligné avec la stratégie business, le développement de l’expérience utilisateur, l’anticipation et l’innovation sont les clés de succès d’une DSI qui incarne la transformation digitale de son entreprise.

Références

  1. L’art de la guerre digitale, Caroline Faillet, Dunod, 2016
  2. Portrait-Robot du DSI, étude KPMG, juillet 2018
  3. How IT Transformation Maturity drives IT Agility, Innovation and Improved Business Outcomes, ESG, Avril 2017
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Samia Bendali-Amor

Directrice du Département Consulting IT et Services de Sofrecom