Point de vue

"Le CEM au cœur des organisations est une source de business"

mar. 01 juil. 2014

Interview - Didier Lelièvre, Directeur Général Adjoint et Directeur Réseaux et Services

Sofrecom 23012014 0134 Crop

Le Customer Experience Management (CEM) est aujourd’hui un enjeu central de la stratégie des opérateurs télécoms, pourquoi ?

DL : Dans un contexte économique incertain, et un environnement concurrentiel de plus en plus exacerbé, l’expérience client est un critère de différenciation à moindre coût.

Déployer des réseaux très haut débit, notamment mobiles, pour accompagner les nouveaux usages avec des services innovants est certes important, mais cela induit des investissements non négligeables, dont la rentabilité se fait inévitablement sur du moyen terme.

D’autre part, les taux de pénétration du mobile, très élevés sur certaines zones, incitent les opérateurs à se retrancher derrière des stratégies de rétention et de protection de leur base clients, plus que dans d’onéreux plans de conquête de nouveaux clients. Conquérir un nouveau client coûte six à sept fois plus cher que d’en fidéliser un existant… les chiffres parlent d’eux-mêmes !

Les clients sont également de plus en plus connectés et mobiles. Ils ont intégré dans leur vie quotidienne de passer d’un support à un autre sans rupture de service : ligne fixe, smartphone, tablette, TV....et ont un choix pléthorique d’offres.

Le prix ou le contenu des offres ne sont alors plus suffisants pour les satisfaire pleinement, les fidéliser et les inciter à consommer plus. C’est la qualité de l’expérience client et sa perception dans sa globalité, qui fait et fera de plus en plus la différence. Depuis la souscription d’une ligne ou d’un service jusqu’à sa résiliation, à travers toutes les occasions d’interactions entre le client et l’opérateur (distribution, service client, installation, réparation, mise en service, facturation…) la gestion de l’expérience client est une source de création de valeur et une formidable opportunité pour devenir un opérateur de référence.

Quels sont les leviers d’amélioration de la gestion de l’expérience client chez les opérateurs ?

DL : L’expérience client est centrale dans la satisfaction client et doit être abordée dans sa globalité, en appréciant l’intégralité du parcours client, de bout en bout.

Les leviers d’amélioration sont nombreux et tous les points d’interaction avec le client, physiques comme « on line », sont l’occasion de créer des motifs de satisfaction avec lui et de se différentier positivement de la concurrence. Tous les métiers de l’opérateur, de la vente en boutique à la facturation, de la maintenance du réseau à la performance des systèmes d’information et les ressources humaines, sont concernés et donc mobilisés pour contribuer à la qualité et à l’enrichissement de l’expérience client.

Maîtriser l’expérience vécue par ses clients devient une priorité stratégique pour tous les opérateurs qu’ils soient mobiles ou convergents. L’enjeu : passer de la multicanalité à l’intercanalité, en s’assurant de la cohérence globale des canaux mis à disposition des clients et de la fluidité pour passer de l’un à l’autre (la fameuse expérience « sans couture ») : réseaux de distribution (point de vente, online..), service clients et services en ligne de type « self care ». En garantissant la satisfaction de ses clients, l’opérateur installe aussi les conditions indispensables au développement de son activité. Des clients fidèles et satisfaits sont aussi des promoteurs de sa marque et de son offre de service….

Toutefois, la maturité des opérateurs pour cette approche est hétérogène. Pour tous, elle nécessite une analyse d’ensemble. Tous n’ont pas le même niveau de connaissance, la même culture client, et la capacité de traiter la relation client sur toute leur chaîne de valeur.

Sofrecom, fort de son expérience avec Orange, mais aussi chez d’autres opérateurs, peut les accompagner efficacement. Le groupe Orange a été précurseur et a déployé dès 2010 son programme de CEM. Nous avons capitalisé sur cette expertise pour développer une approche pragmatique, globale et… concrète !

Quelle est l’approche CEM de Sofrecom ?

DL : nous avons une conviction : la qualité et l’efficacité du CEM repose sur sa transversalité et nous travaillons à la mise en œuvre de plans d’actions concrets sur toute la chaîne de valeur des opérateurs.

Le socle de notre approche : la mesure de la satisfaction, ou plutôt de l’insatisfaction du client et les motifs de cette insatisfaction. Nous pensons que la bonne démarche CEM se construit sur des faits observés, mesurés et analysés. Nous disposons pour cela d’une large palette de méthodologies et d’outils de mesures, comme le NPS (Net Promoteur Score), ou les analyses des réclamations. L’objectif de ces outils: écouter la voix des clients, comprendre et analyser l‘origine des dysfonctionnements au sein des réseaux, des systèmes d’information, des métiers ou des organisations mêmes des opérateurs et recommander des actions correctives.

Une fois la voix des clients entendue et analysée nous accompagnons l’opérateur dans sa proactivité, à la fois pour répondre à un client qui demande des explications mais aussi pour éviter qu’il ne ressente une dégradation du service en corrigeant les problèmes potentiels avant même que leurs effets ne soient ressentis. Notre approche permet de se doter des moyens techniques, métiers, organisationnels et humains pour traiter au plus vite les motifs d’insatisfactions critiques, et pérenniser une démarche d’amélioration continue de l’expérience client en l’intégrant à la culture même de l’entreprise.

Comment voyez-vous l’évolution de la CEM dans les prochaines années ?

DL : J’observe une accélération très nette dans la perception même de ce sujet et de son impact sur le développement des activités et la croissance des opérateurs.

Il y a encore deux ans, la CEM était un concept… Aujourd’hui, de plus en plus de solutions de Customer Experience sont proposées, en particulier chez les équipementiers.

Et cela va de pair avec la digitalisation des entreprises, qui « désintermédie » de plus en plus la marque de son client.

J’y vois la conjonction d’une volonté de mettre la CEM au cœur des organisations et d’en faire un nouveau champ d’exploitation du Big Data, plus seulement à des fins de marketing mais aussi sous un angle de qualité de service : comment peut-on retirer de l’ensemble des infrastructures réseaux /services /IT les données qui permettent de faire des focus sur différentes typologies de clients et d’analyser les causes de dysfonctionnements ?

L’utilisation du Big Data va donc se renforcer pour mesurer en temps réel la qualité de l’expérience client : les données des réseaux télécoms vont par exemple de plus en plus être croisées avec celles des outils de CRM mais aussi des réseaux sociaux.

Placer la CEM au cœur des organisations n’est pas seulement un puissant vecteur de fidélisation, économiquement « intéressant » pour les opérateurs confrontés à la concurrence des OTT et à la nécessité d’adapter rapidement leur modèle économique. C’est une source de business incontournable.